Centre-ville, la clé sous la porte
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Pour la géopolitologue Béatrice Giblin, le plan annoncé par le ministre de la Cohésion des Territoires en faveur des villes moyennes de 2,5 milliards d’euros sur 5 ans est louable, mais les moyens demeurent trop faibles pour atteindre les objectifs annoncés : rénovation de l’habitat dégradé en centre-ville, limitation de la vacance commerciale et équipement en très haut débit à l’horizon de 2020.
C’est en conclusion de l’assemblée générale de l’association Villes de France, le 12 octobre dernier, que Jacques Mézard avait évoqué, devant les élus réunis, son plan de « sauvetage » en faveur des villes de 20 000 à 100 000 habitants. « Les villes moyennes ont été les grandes oubliées de l’aménagement du territoire ces dernières années » a lancé le ministre de la Cohésion des Territoires annonçant le déblocage des fonds au début de l’année 2018. Il y a une semaine, L’Opinion dévoilait à son tour les grandes lignes budgétaires : 2,5 milliards d’euros fléchés en faveur de 250 villes sur les 5 ans à venir.
Béatrice Giblin est géopolitologue, elle dirige la revue Hérodote, et est l’auteure de « Le Paradoxe français ». Pour le Courrier des maires, elle décrypte ce plan gouvernemental.
Courrierdesmaires.fr : 250 villes ciblées par le gouvernement… quelles sont ces villes, leurs particularités ?
Béatrice Giblin : Pour la plupart, ce ne sont pas des villes situées dans de grosses conurbations mais plutôt situées dans des zones relativement peu peuplées. Plutôt des villes « préfecture » ou de « sous-préfecture », qui ont perdu ces dernières années en dynamisme démographique. À l’image de Nevers, qui autrefois accueillait 50 000 habitants, contre 35 000 à peine aujourd’hui. Ces villes moyennes, qui vont de 10 000 à 50 000 habitants, sont ceinturées par de grands centres commerciaux, qui attirent les familles le week-end. Souvent l’hôpital ou le lycée ont également été déplacés en périphérie pour des raisons pratiques. Ces communes se retrouvent donc aujourd’hui avec un centre-ville fragilisé, délaissé et finalement plus du tout attrayant. Il faut dire que certains maires n’ont rien fait pour améliorer les choses.
Y’a-t-il une espace territorial où l’on retrouve plus particulièrement ces villes fragilisées ?
[caption id="attachment_72010" align="alignleft" width="242"] Béatrice Giblin, géopolitologue, auteure de «Le Paradoxe français »[/caption]
Non. Il n’y a pas ici de diagonale « Le Havre-Paris-Marseille ». Vous allez retrouver des villes moyennes en difficulté aux quatre coins de la France. Historiquement, ces villes étaient souvent « portées » par une mono-activité (dentelle, coton, sidérurgie, etc.) qui, lorsqu’elle s’est arrêtée, a entraîné une fuite des populations.
On oppose souvent ces territoires aux métropoles qui vont bien et « aspirent » les emplois et populations…
Je pose cette question : est-ce qu’une métropole qui irait mal permettrait en retour aux petites villes d’aller mieux ? Non. Donc il faut arrêter avec cette idée-là. Le problème c’est finalement la distance qu’il y a à parcourir depuis la ville moyenne pour gagner la métropole et profiter de son attractivité. Quand il y a 50 ou 60 kilomètres à faire, c’est sans doute déjà trop.
Est-ce que les trois pistes retenues par le gouvernement (habitat, commerce, THD) sont, selon vous, les bonnes ?
Oui. Incontestablement. Le problème est plutôt à rechercher dans les montants investis par le gouvernement. 2,5 milliards d’euros pour 250 villes sur 5 ans, faites le calcul, ce n’est pas grand-chose [ndlr : 10 millions par ville et par an]. C’est cosmétique. Mais ce plan a au moins l’avantage d’amorcer quelque chose, de mettre le sujet sur le tapis et peut-être donnera-t-il à certains élus des idées, des solutions pour rendre leur centre-ville plus attractif ?