Centenaire de 14-18 : les enjeux d’une commémoration qui s’étend à « l’arrière »

Denis Solignac

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Centenaire de 14-18 : les enjeux d’une commémoration qui s’étend à « l’arrière »

1914-commemoration

© Flickr/MetroCentric

Comment commémorer localement et sur la durée un conflit mondial ayant duré plus de quatre ans ? A ce défi, les élus locaux répondent différemment selon que leur territoire était ou non sur le front, mais souvent en valorisant le patrimoine local et la participation des habitants.

Comment commémorer pendant quatre ans ?

C’est à la fois un objectif… et un écueil à éviter : ne pas surcharger le programme de commémorations au risque de susciter le trop-plein. « Si on fait cela pendant cinq ans, cela va épuiser tout le monde », confirme l’historienne Elise Julien, membre de la Mission du centenaire.

La réponse réside, selon elle, dans de subtils passages de relais entre Etat et collectivités. « Il y a d’abord le choix de concentrer les commémorations nationales sur 2014 avec cinq dates : le 28 juin, jour de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo ; la fête nationale du 14 juillet ; le 3 août avec l’avis de mobilisation reproduit dans toute la France, la bataille de la Marne en septembre et le 11 novembre… même si l’armistice eut lieu en 1918 ! », détaille-t-elle.

L’Etat compte sur les collectivités
Raison de cette concentration sur 2014 : « Tout rassembler et synchroniser avec ce qui se fait à l’étranger. » Suivrait la période 2015-2017 « où l’Etat se désengage, mais compte sur les collectivités ». Avant une reprise en main par l’Etat fin 2018 et en 2019 pour célébrer la fin de la guerre et le Traité de Versailles.

Au niveau local, la répartition apparaît moins claire, comme dans l’Orne où les commémorations vont bien « s’étaler sur 4 ans mais avec un point d’orgue en 2014 », selon le conseil général. Les années suivantes laisseront plus de place aux initiatives associatives ou portées par une seule commune.

Quelle place pour les monuments aux morts ?

Traditionnellement central dans les célébrations du 11 novembre, le monument aux morts de chacune des 36 700 communes jouera-t-il toujours un rôle lors du centenaire ?

« En 2014, ce seront naturellement, outre les cimetières, les monuments aux morts, qui seront voués entre autres, à incarner la dispersion de la mémoire collective », assure Jean-Noël Jeanneney. Une intuition que partage Elise Julien : « Ces monuments restent très présents, car ils se rattachent à un moment très concret de commémoration. C’est donc une tradition qui perdure, même si le rapport est plus distancié avec la mort des derniers poilus. »

Intérêt patrimonial
Ces monuments ont aussi un intérêt patrimonial important pour la commune et pourraient être « redécouverts, réorganisés voire remis en état ». Sans oublier qu’ils sont des points d’ancrage à « des projets pédagogiques locaux pour faire le lien entre histoire et mémoire », souligne l’historienne.

Symboles de cet intérêt persistant, le projet photographique mené par Raymond Depardon et la base de données sur les monuments aux morts du Nord, initiée par l’université de Lille, et étendue à tout le pays et à la Belgique.

Que faire des archives (re)mises au jour ?

Sans surprise, les photos, lettres, affiches, journaux intimes et autres documents d’époque auront une place de choix. Au niveau national, la « Grande collecte » a permis en novembre 2013 à tout à chacun d’apporter des souvenirs familiaux datant de 14-18 dans 70 points de collectes, issus souvent du réseau des archives départementales. Autant de morceaux d’histoire ensuite numérisés afin d’assurer leur conservation et leur mise à disposition du grand public.

Loire-Atlantique : un « mémorial virtuel »
Les collectivités reproduisent la démarche sous différents angles. En Loire-Atlantique, les particuliers prêtent ces documents pour alimenter « un mémorial virtuel des combattants » recensant les quelque 25 000 soldats issus du département tombés au front.

Près de 10 000 fiches de poilus ont d’ores et déjà été renseignées. « Il ne s’agit pas de réunir uniquement des informations quantitatives, mais bien qualitatives, sur la vie de ces individus durant la guerre, dans un projet durable », se félicite le président du conseil général Philippe Grosvalet.

Dans l’Orne, on numérise notamment la presse locale de 1914 à 1918, et l’ensemble des fiches matricules de recensement militaire pour les classes 1914 à 1919, indiquant carrière militaire, mentions de blessures ou de décorations des poilus locaux.

Comment susciter la participation des habitants ?

Au-delà du prêt d’archives familiales, les élus souhaitent favoriser des initiatives participatives. Le lien entre commémorations et travail de recherche par les scolaires sur l’histoire des poilus locaux revient souvent. Ce sont aussi des représentations théâtrales ou de spectacle vivant qui font appel aux administrés locaux.

La ville d’Alençon a ainsi « recruté » ses habitants pour qu’ils participent à la reconstitution de la mobilisation générale du 2 août 1914 – et du rassemblement du 14e régiment de Hussards qui fut dissous en 1919, tant l’unité subit de pertes.

Plus originale encore : la reconstitution de 200 mètres de tranchées à Pressins, dans l’Isère, par 200 bénévoles du canton.

Souscription à Verdun
Ailleurs, c’est à une participation financière que sont appelés les habitants. Ainsi le département de la Meuse, l’Office national des forêts et la Fondation du patrimoine ont lancé une souscription pour préserver le champ de bataille de Verdun.

Sol labouré par les obus, tranchées et ouvrages fortifiés, ruines de villages anéantis : ces paysages nécessitent d’être entretenus pour protéger les vestiges du conflit et y aménager des « parcours pédestres » accessibles à tous les publics, notamment handicapés. L’instauration d’un « parcours de biodiversité » illustrant en outre la reconquête par la nature d’un terrain pourtant dévasté par la guerre.

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