logo ps
© DR
A la veille du vote des adhérents du PS, le Courrier des maires a décortiqué les quatre motions en lice pour en extraire les nombreuses propositions visant les collectivités territoriales et l’action publique locale. Dotations, statut de l’élu, politique de la ville, logement social, droit de vote des étrangers… de nombreux sujets émergent dont certains font apparaître de véritables ruptures au sein du PS.
Quatre motions sont soumises au vote du PS le 21 mai (avant un second tour le 28 mai entre les deux motions arrivées en tête) en prévision du congrès de Poitiers du 5 au 7 juin :
- la motion A, « Le renouveau socialiste », emmenée par le premier secrétaire du parti Jean-Christophe Cambadélis, qui a réussi à réunir sur son texte le Premier ministre et la maire de Lille, Martine Aubry ;
- la motion B, « A gauche pour gagner ! », défendue par les « frondeurs », très critiques de l’exécutif Hollande-Valls, le premier d’entre eux étant le député Christian Paul ;
- la motion C, « Osons un nouveau pacte citoyen et républicain » dont les auteurs se réclament de l’ancien résistant Stéphane Hessel et appellent à une « France plurielle » ;
- la motion D, « La Fabrique » défendue par la députée et économiste Karine Berger, qui veut « construire un projet de transformation sociale dans un cadre républicain, humaniste et laïc ».
Finances locales : stopper l’hémorragie des dotations
La baisse des dotations aux collectivités locales menée par l’exécutif est contestée à des degrés très divers. Les plus virulents et les plus drastiques en la matière sont les signataires issus de « La Fabrique » qui proposent de « mettre fin, dès la prochaine loi de finances, à la baisse des dotations aux collectivités territoriales ». L’investissement public est « déterminant pour conserver des infrastructures et des services publics de bonne qualité, éléments indispensables à l’attractivité française et à l’emploi local. La baisse des dotations aux collectivités territoriales est par conséquent plus dangereuse pour leur compétitivité, pour leur attractivité, pour leur efficacité que salvatrice pour les comptes publics », évaluent-ils.
La fin de la baisse aux dotations est plaidée de manière plus restreinte par « A gauche, pour gagner ! » pour les seuls « territoires ruraux et périurbains ». La motion du premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis se fait elle encore plus prudente, évoquant la nécessité pour les collectivités de « retrouver un pacte de solidarité avec l’Etat qui doit intégrer l’investissement productif qu’elles soutiennent » et de « renforcer la péréquation en faveur des collectivités locales les plus pauvres ».
Accélérer sur la révision des valeurs locatives ?
La motion du renouveau socialiste se permet toutefois de tancer - légèrement – Bercy en jugeant qu’il est aussi « grand temps de réviser les valeurs locatives des logements pour le calcul de la taxe foncière et de la taxe d’habitation : celui-ci a été fixé dans les années 1970 et n’a pas été, ou peu, ou mal actualisé depuis… ».
Ce chantier fait déjà l’objet depuis février d’une expérimentation dans cinq départements. Or, si elle est adoptée, la réforme issue des enseignements de cette expérimentation ne serait pas appliquée avant 2018/2019 sur la feuille d’imposition... La « refonte rapide » des valeurs locatives demandée aussi, par « A gauche pour gagner ! » n’est donc pas pour ce quinquennat…
Logement sociaux : objectifs semblables, moyens très variés
Des « conventions d’objectifs et de moyens entre l’Etat et les collectivités » pour la motion « A gauche pour gagner ! » au lancement de la « construction d’un minimum de 150 000 logements sociaux par an, dont 50% très sociaux et financés par le recours à des prêts locatifs aidés d’intégration », avec 75 000 logements « à très bas loyers », pour « Osons un nouveau pacte citoyen et républicain », les idées pour relancer le logement social font foison.
La Fabrique plaide, elle, pour la création d’un « fonds de gestion des cautions versées par les locataires aux bailleurs privés ». « Ce fonds rapporterait chaque année des intérêts qui pourraient être utilisés pour soutenir les constructions en zones dites « non-tendues ». Cette proposition a un double avantage : elle ne coûte rien aux finances publiques et elle constituerait un soutien aux collectivités locales qui, du fait de leur géographie, perçoivent moins d’aides publiques que celles situées en zones tendues », explique-t-elle.
Appel aux préfets pour renforcer la mixité sociale
Plus largement, la motion emmenée par la députée Karine Berger se fait fort de répondre aux « attentes, à la fois en termes de constructions et de réforme des procédures d’attribution, pour une meilleure transparence et une plus forte pénalisation des abus, notamment avec un renforcement des procédures de surloyer ».
La motion du premier secrétaire préfère s’en remettre elle au pouvoir étatique et aux sanctions en préconisant « que l’Etat, à travers le pouvoir conforté des préfets, se substitue aux collectivités défaillantes et imposent ainsi le respect de la mixité sociale ». Et appelle aussi à conforter « l’implication des intercommunalités dans les politiques d’aménagement et de peuplement doit être confortée, comme prévu par la loi ALUR ».
Politique de la ville : grandes déclarations et grands budgets
« Une éducation prioritaire repensée avec la politique de la ville » : ainsi se résume la vision de la motion principale pour la politique de la ville.
Plus détaillé mais toujours très général, l’objectif d’ « Osons un nouveau pacte citoyen et républicain » réside pour « certains quartiers urbains » à favoriser « leur développement harmonieux » : dans ces territoires, « les services publics doivent être rétablis, renforcés et le tissu associatif subventionné. Les collectivités locales concernées doivent être soutenues si elles engagent une véritable politique de solidarité entre les quartiers ».
Une politique de la ville à 20 milliards d'euros ?
Pour « A gauche pour gagner », le pays a besoin d’un « plan République » à même de « garantir la présence physique des services publics et des emplois publics dans les territoires qui en ont le plus besoin ». Via ce plan, les quartiers urbains verraient « l’arrivée en grand nombre d’enseignants et d’acteurs de l’éducation et de la prévention spécialisée, un appui financier aux associations, le lancement d’un grand plan national de construction de logements socialement accessibles au plus grand nombre, et un soutien aux projets et équipements culturels », détaille la motion menée par le député « frondeur » Christian Paul.
Enfin, la proposition la plus concrète est aussi la plus dépensière : elle revient à la Fabrique qui propose de multiplier par quatre en 10 ans le budget alloué à la politique de la ville, de 5 à 20 milliards d’euros.
Non-cumul dans le temps pour les élus, vote obligatoire pour les électeurs
Le cumul exécutif local-mandat de parlementaire sera interdit à partir de 2017 mais le premier secrétaire du PS propose d’aller plus loin encore avec la limitation du nombre de mandats « dans le temps, réforme qui devra être nécessairement couplée avec la mise en place d’un statut de l’élu ». Un statut de l’élu qui vient pourtant d’être rénové par la loi Gourault-Sueur.
Souhait similaire de la Fabrique qui précise vouloir limiter « à trois le nombre maximum de mandats successifs dans le temps pour un même poste, et à deux lorsqu’il s’agit d’un mandat exécutif ».
La motion C « Osons un nouveau pacte citoyen et républicain » est la plus stricte en préconisant de limiter « à un seul renouvellement possible pour la même fonction ». Et veut aussi réduire à deux le nombre de mandats locaux pouvant être exercé de façon simultanée, dont un seul mandat exécutif, « pour avoir des élus engagés à plein temps ».
La participation obligatoire fait son chemin
Cette motion C veut aussi « élargir à toutes les élections locales le scrutin de liste à la proportionnelle au plus fort reste avec prime majoritaire à 25%, sur le modèle des élections régionales, afin d’assurer une plus juste représentativité des minorités au sein des assemblées locales ». Et va même jusqu’à proposer, d’une part, de « tirer au sort un quart des sièges de ces assemblées parmi les citoyennes » ; et, d’autre part, de « faire de l'élection communautaire une élection à part entière, séparée du vote municipal ».
S’agissant des électeurs, la motion du premier secrétaire soutient notamment la récente proposition du patron de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, de rendre le vote obligatoire : « Si la République, ce sont des droits et des devoirs, il devrait y avoir injonction à s’exprimer au moment des choix importants pour la société. Si la force de conviction ne suffit pas, il faudra sans doute aller plus loin et, sous une forme à définir, rendre le vote obligatoire et reconnaître le vote blanc parmi les suffrages exprimés », plaide le texte.
La démocratie locale à renforcer pour « un nouveau pacte citoyen »
Même proposition, une fois n’est pas coutume, des frondeurs, mais davantage pour des raisons de légitimité à gouverner : « Si nous pouvons emporter des scrutins avec 50% de participation, voire moins dans certains quartiers, nous ne pouvons gouverner dans la durée avec une si faible assise. Pour cela, engageons la reconnaissance du vote blanc avec une participation obligatoire aux élections dans des modalités à définir », proposent-ils.
Enfin, en matière de démocratie locale, la motion C multiplie là aussi les propositions : élargissement de l’obligation de création de conseils de quartier à toutes les communes de plus de 10 000 habitants en leur affectant un budget participatif issu du budget d’investissement de la municipalité, création de jurys citoyens pour évaluer les politiques publiques et introduction d’une initiative citoyenne dans la mise en place des référendums locaux « afin de permettre leur organisation si un seuil minimal de signataires est réuni ».
Transparence de la vie politique : un cadre à renforcer
Les « épisodes » Cahuzac et Thévenoud ont laissé des traces : la Fabrique n’hésite pas à demander en matière de transparence de la vie publique que tout candidat à une élection dépose en préfecture « un certificat de conformité à l’impôt, dit quitus fiscal, parmi les pièces obligatoires ».
Et va même plus loin encore en souhaitant donner la possibilité aux juges de prononcer une peine d’inéligibilité à vie pour faits de corruption et abus de biens sociaux. « Dans la fonction publique, certains faits graves peuvent entraîner une révocation à vie. Le même raisonnement doit être appliqué dans la vie publique », justifie-t-elle.
L'interdiction des micro-partis
La Fabrique plaide aussi pour le « référendum révocatoire » pour les élus condamnés par la justice : « Si un élu est condamné par la justice en cours de mandat, une élection devra être organisée afin de vérifier si les citoyens lui maintiennent leur confiance ou non ».
Enfin la motion C multiplie pour sa part des mesures drastiques. Sont notamment avancées l’inéligibilité à vie de tout élu condamné pour des faits de fraude fiscale, corruption ou abus de biens sociaux, l’interdiction des micro-partis qui permettent « de contourner les règles de financement des partis politiques » et la suppression de la réserve parlementaire .
Droit de vote des étrangers : l’unanimité… comme toujours
Enfin, une proposition fait l’unanimité des quatre motions. Et pour cause, elle est portée par chaque candidat PS à la présidentielle et leader socialiste lors des élections législatives depuis 1981 : le droite de vote des étrangers non communautaires résidant en France aux élections locales. Pour la Fabrique, « il est injuste que des habitants de nationalité étrangère qui vivent les mêmes réalités quotidiennes que les habitants nationaux ne puissent faire entendre leur voix ni s’impliquer dans la vie publique de leur commune ».
Souhaitée également par la motion « A gauche maintenant », la mesure fait aussi partie de celles pour lesquelles « il faut aller plus loin, plus vite » pour les tenants du « nouveau pacte citoyen et républicain ». La mesure constituait en effet l’engagement n° 50 du projet du candidat Hollande en janvier 2012.
La motion du premier secrétaire reste très prudente
La motion la plus prudente reste d’ailleurs la motion A, motion « officielle » de l’exécutif, dont les signataires souhaitent que « notre Convention se saisisse également de la question du droit de vote des étrangers aux élections locales pour déterminer les termes et les moyens d’une campagne d’opinion. Nous voulons, pour cette grande cause de la gauche, convaincre et réunir une majorité de Français ».
Un discours proche de la dernière position en date du chef de l’Etat sur le sujet, François Hollande ayant le 14 juillet 2014 réaffirmé sa volonté de faire voter cette réforme, parmi d’autres réformes constitutionnelles et « de société », en 2016.