Catherine Jacquot
© S. Bonfanti
Elue le 28 novembre 2013 présidente du Conseil national de l'ordre des architectes, Catherine Jacquot (photo) estime que la campagne des municipales est un bon moment pour souligner l'importance du rôle de l'architecture et de la collaboration entre élus locaux et architectes.
Courrierdesmaires.fr. A l’approche des élections municipales, les architectes ont-ils un message à l’intention des candidats ?
Catherine Jacquot. Oui. Nous nous adresserons aux maires et aux électeurs pour que le cadre de vie, le logement, l’aménagement du territoire soient au cœur du débat. Les maires, même avec le PLUI, délivrent les permis de construire, participent à l’élaboration des PLU et PLUI, sont commanditaires et déterminent la construction de logements…
Ce qui autorise les architectes à prendre la parole sur ces sujets est que la loi du 3 janvier 1977, qui réglemente la profession, stipule que « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public ».
L’ordre des architectes a une délégation de service public dans ces domaines. Le rôle de l’ordre est de garantir la qualité de l’architecture et celle des professionnels auprès du public. En tant qu’ordre, c’est bien le public que nous défendons, et non les architectes – ce qui est le rôle des syndicats. Nous, nous défendons la compétence professionnelle des architectes, leur responsabilité, définie par un code de déontologie.
Que préconisent donc les architectes sur la question du logement et de l’aménagement du territoire ?
C. J. Nous défendons un aménagement du territoire et de la ville responsable. Cela signifie que, lorsqu’on construit, le logement doit être « au bon endroit », proche des services, des écoles, des transports en commun, des commerces… La primauté du seul intérêt financier – la défiscalisation, par exemple – peut conduire à des dérives : des logements vides car situés loin des services alors que nous avons des millions de mal-logés.
Nous demandons aux maires d’avoir une vision solidaire de la ville et de construire des logements qui n’accentuent pas les inégalités territoriales”
Nous, architectes, conseillons donc les maires pour que le logement soit construit au bon endroit, adapté aux besoins, de bonne qualité, prenant en compte une sociologie familiale complexe (familles recomposées, familles monoparentales…). Le logement doit également être évolutif, flexible, économe en énergie, en déplacements. Surtout, nous demandons aux maires d’avoir une vision solidaire de la ville et de construire des logements qui n’accentuent pas les inégalités territoriales.
On sait qu’il ne se construit pas assez de logements. Comment y parvenir ?
C. J. Il est vrai que le maire doit faire preuve de courage politique pour construire, là où il faut, du logement social. Nous voyons bien que, sur le terrain, les électeurs bloquent les projets en déposant des recours, en refusant le PLU.
Comment épauler le maire ? En lui proposant des études concertées, en l’aidant à communiquer et à partager son projet avec sa population. Nous pouvons l’aider car nous, architectes, nous avons une vision, spatiale, en 3D de la ville, du projet urbain, que nous pouvons communiquer aux citoyens. Investir dans les études, l’expérimentation et la concertation a certes un coût, mais cela évite les recours, réduit les délais et permet d’établir une règle urbaine de qualité.
Etes-vous aussi critiques des normes que les élus ?
C. J. La loi sur l’accessibilité de 2005 est relativement générale. Ce qui est dramatique, c’est son interprétation restrictive. Nous souhaitons plutôt travailler sur des objectifs et que la maîtrise d’œuvre ait le choix de la réponse adaptée et de bon sens au vu du confort et de l’usage.
En novembre, Cécile Duflot a lancé une concertation pour augmenter l’offre de logements dont l’objectif est de construire ou rénover 500 000 logements par an d’ici 2017. L’ordre des architectes participe activement aux quatre groupes de travail constitués et a présenté sa contribution : construire, plus vite, moins cher, mieux et au bon endroit. Leur synthèse devrait être remise en février.
Que pensez-vous du PLU intercommunal ?
C. J. Nous le soutenons. Nous pensons qu’il est important pour les petites communes d’avoir une mutualisation des études et un projet urbain commun. Les maires ne seront pas dessaisis de leur pouvoir. Souvent, ils n’ont aucune arme à opposer aux promoteurs. Et c’est ainsi que l’on voit des lotissements à quelques kilomètres du centre-bourg, qui défigurent le paysage et grignotent les terres agricoles.
L’intercommunalité permet d’avoir un projet urbain pour le village sans se contenter du règlement national d’urbanisme (RNU)”
L’intercommunalité permet ainsi au maire d’avoir un certain recul par rapport aux pressions des habitants, elle permet d’avoir un projet urbain pour le village sans se contenter du règlement national d’urbanisme (RNU). Le PLUI permet au maire de revitaliser le village et de recréer un espace public, des services et des commerces. C’est ce que j’ai pu constater en Auvergne, où l’on a fait des PLUI.
Les maires ont souvent recours aux marchés à procédure adaptée (MAPA)((Ces marchés, dont la procédure de passation peut être adaptée à la nature et aux caractéristiques du besoin à satisfaire, sont possibles lorsque le montant du marché est inférieur à certains seuils ou en fonction de leur objet.)).
Vous les alertez sur leurs limites ?
C. J. Oui. On constate deux tendances parfois perverses. On demande à l’architecte de fournir une prestation non rémunérée (élaboration de plans exhaustifs) ou bien le choix se fait sur le prix uniquement. C’est la course au prix le plus bas. Le dumping des honoraires, suicidaire pour les architectes, risque d’aboutir à de mauvaises prestations.
L’ordre des architectes s’oppose à ce genre de procédés. Le maire doit choisir son architecte en fonction des ses moyens, de sa motivation et de ses compétences. Il peut organiser des entretiens, examiner son book, ses références, voir les projets des autres candidats, consulter l’ordre régional. Puis il négociera le prix. Pour l’y aider, nous avons mis en place, avec la Miqcp, un simulateur d’honoraires.
Je conseille vivement aux maires de visiter le site de l’ordre des architectes : ils y trouveront aussi des contrats types.
Karim - 29/01/2014 13h:07
Concernant le PLUi, il est sûr que, dans les faits, cela ne changera pas grand chose au niveau du pouvoir des maires... Si seulement ces derniers pouvaient créer davantage de logements sociaux, surtout que les lois du moment comme la loi Duflot (www.simulation-duflot.fr) favorisent ce genre d'initiatives
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