Avenir de la décentralisation : une mission pour quoi faire ?

Aurélien Hélias
Avenir de la décentralisation : une mission pour quoi faire ?

Raffarin Sénat

© Sénat

Alors que la réforme de décentralisation voulue par le gouvernement connaît un difficile cheminement, le Sénat a décidé de la création d’une énième mission d’information sur la décentralisation. Sans craindre le caractère redondant de ses travaux ni d’entendre les mêmes abonnés aux auditions parlementaires.

On croyait le temps des rapports et des auditions sur le sujet enfin clos.

On supposait que les travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, le rapport réalisé sous l'égide de Claude Belot (entre autres), les récents Etats généraux de la démocratie territoriale et les multiples auditions des deux commissions des lois de l’Assemblée et du Sénat, et de la délégation sénatoriale à la décentralisation, avaient suffisamment préparé le terrain pour que chacun prenne position sur la réforme proposée par le gouvernement...

C’était sans compter la Haute assemblée, avide de débattre à nouveau du statut et du rôle des collectivités locales.

« Où se situe notre mission par rapport au projet de loi sur la décentralisation : avant ou après ? » La question posée, le 21 mai 2013, par la sénatrice (CRC) Mireille Schurch lors de la seconde réunion de la mission commune d’information (MCI) sur « l’avenir de l'organisation décentralisée de la République » est sur toutes les lèvres des observateurs politiques. Défendue par le groupe UMP du Sénat, la création de cette mission a été avalisée à partir d’une résolution présentée par l’opposition, mais votée à l’unanimité de la Haute assemblée.

Pas trop d’élus… mais quand même
C’était sans compter la volonté du président (UMP) de la mission, Jean-Pierre Raffarin, de « structurer la pensée du Sénat à l’horizon 2020 » : « Nous avons besoin d'une ligne d'horizon, et c'est l'objet de notre mission, qui est donc indépendante de l'acte III de la décentralisation. »

La différence de délai ne saute pas aux yeux tant l’actuel projet de réforme défendu par le gouvernement ne devrait pas porter ses fruits, si elle est effectivement adoptée, avant 2015 au mieux, et même 2017 pour ses dispositions les plus novatrices.

Le rapporteur (PS) de la mission d'information, Yves Krattinger, l’avouait à demi-mot dès la première réunion du 14 mai : « Etudier concomitamment des textes et réfléchir à l'avenir ne relève pas […] du même exercice. Pourtant, cela sera réalisé dans un même temps et dans un espace commun ici au Sénat. Il est peu probable que les deux démarches puissent rester totalement étanches l'une par rapport à l'autre ».

Conscient toutefois du possible caractère redondant des futurs travaux de la MCI, Jean-Pierre Raffarin avait indiqué sa volonté « d’éviter de recommencer ce qui a déjà été fait, et de chercher des regards différents, pas nécessairement ceux des associations d’élus, mais de partir sur une approche originale, qui s'appuierait sur des expertises de la société civile : historiens, sociologues, démographes. »

C’était sans compter les craintes d’Yves Krattinger, estimant « dangereux » de « faire semblant d'écouter les associations d'élus. Ce serait un exercice périlleux. Pouvons-nous vraiment procéder de cette façon ? Il faut faire attention, car ce discours pourrait ne pas être compris », a prévenu le sénateur de Haute-Saône.

Conséquence : les deux premiers déplacements de la mission seront pour visiter… les présidents de l’ARF (Alain Rousset) en Aquitaine et de l’ADF (Claudy Lebreton) en Bretagne. Sous l’insistance du sénateur Krattinger, le troisième sera pour la Franche-Comté du président de l’AMF, (Jacques Pélissard), un quatrième déplacement restant à définir. L’Ille-et-Vilaine du président de l’ADCF ou l’Isère du patron de l’AMGVF ? Les paris sont ouverts…

Les banques et administrations locales auditionnées
Pour obtenir des auditions plus « significatives et originales », il faudra se tourner vers d’autres profils : « un spécialiste des aspects constitutionnels, juridiques et institutionnels semble indispensable, de même que celle d'un démographe comme Hervé Le Bras », juge l’ancien Premier ministre. Le directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales (EHESS), coauteur du Mystère français, sera auditionné le 29 mai, juste après un autre habitué des auditions parlementaires, Laurent Davezies, professeur au conservatoire national des arts et métiers (CNAM), et auteur de La Crise qui vient, nouvelle fracture territoriale.

Autres profils envisagés par le sénateur de la Vienne : « un banquier du Crédit agricole ou de la Caisse d'épargne » pour évoquer «  la façon dont se financent les communes » ou encore « les patrons d'administrations locales, Centres hospitaliers universitaires ou Pôle emploi ».

S’agissant des axes de réflexion de la mission, ils devraient être multiples : « répondre à la question de l'efficacité publique, en partant du citoyen », discuter de « la notion clé de la responsabilité », examiner « les relations entre l'Etat et les collectivités », ausculter l’«autonomie des collectivités, la répartition des compétences » et ouvrir le « débat entre l'égalité devant la loi et la décentralisation à la carte » doivent être aux cœur des travaux de la MCI, selon Jean-Pierre Raffarin.

• Mission commune d'information sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République - Entretien avec Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger - 22 mai 2013

aperçuLa vidéo sur le site du Sénat

La presse jugée indésirable
Autant de travaux dont le Courrier des maires tentera de rendre compte, dans la mesure du possible. Car lors de sa réunion, le président comme le rapporteur de la mission ont jugé préférable que la presse ne soit pas présente lors de leurs futures auditions. « Nous gagnerons en liberté de parole », a plaidé Jean-Pierre Raffarin.

Grands princes, les deux sénateurs ont tout de même proposé à leurs collègues d’informer et « d’associer » les journalistes à leurs déplacements sur le terrain. La mission ferait toutefois une exception à la règle de fermeture de ses portes à la presse, puisque le président de la mission souhaite inviter « le patron ou le rédacteur en chef d'un quotidien régional, Ouest France ou La Dépêche du Midi, ou de France 3 ».

Comme quoi la présence de la presse ne porte pas automatiquement atteinte à la « liberté de parole »…

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