« Avec la suppression de la réserve parlementaire, il aurait fallu réformer les dotations de l’Etat »

Aurélien Hélias
« Avec la suppression de la réserve parlementaire, il aurait fallu réformer les dotations de l’Etat »

François Benchendikh, maire de conférences à Sciences-Po Lille

© FB

Depuis plus d'un an, la réserve parlementaire a été supprimée pour être partiellement remplacée par le Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) et la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), structures placées sous l'autorité du préfet. François Benchendikh, membre de l'observatoire de l'éthique publique, en tire un bilan plutôt positif mais juge l'évolution inaboutie.

Quels étaient les défauts inhérents à la réserve parlementaire ?

François Benchendikh : Les montants étaient importants sans une grande transparence. La réserve parlementaire n’avait pas été à l’origine produite par un texte juridique. C’était une pratique. Elle posait également la question du cumul des mandats. Le financement de projets ou d’associations pouvait se faire dans un objectif de réélection.

Quels sont les avantages qu’apporte cette suppression ?

Je pense que c’est trop tôt pour le dire. Mais un élément fondamental de cette réforme est la déconnexion entre la circonscription, qui est le lieu où le député va pouvoir être désigné, et cette fameuse souveraineté. Les députés sont les élus de la nation et trop souvent, notamment par l’intermédiaire de la réserve parlementaire, ils ont l’impression qu’ils sont élus uniquement de leur circonscription. Chaque député devrait s’en détacher pour ne plus avoir ce lien qui engendre parfois un clientélisme électoral.

Cette suppression a-t-elle entraîné une baisse de moyens pour les associations et un recul des projets d’investissement ?

En fonction des situations, cette suppression a pu faire baisser certaines ressources, même si d’autres fonds ont été compensés. Par exemple, celui pour le développement de la vie associative (FDVA), qui permet notamment aux associations sportives d’avoir des financements, a été renforcé.

Plutôt que la seule suppression, il aurait fallu une vraie réforme de la fiscalité locale et en particulier des dotations de l’Etat à l’égard des collectivités. Cette succession de réformes plus ou moins importantes, de la suppression de la réserve parlementaire jusqu’à celle de la taxe d’habitation, ne contribue pas à la mise en place d’une vraie réforme pourtant indispensable dans le cadre de la décentralisation.

Observe-t-on une recentralisation étatique des moyens avec la gestion de ces fonds par les préfectures ?

C’est davantage une déconcentration puisque ce sont les autorités déconcentrées qui ont la maîtrise, localement, de ces dotations. Mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose que l’Etat puisse avoir les moyens lorsque le projet est suffisamment construit et pertinent. Les services de l’Etat n’ont pas la légitimité de l’élection, mais ils ont une très bonne expertise : n’oublions pas que pendant des années l’Etat déconcentré a joué un rôle extrêmement important dans l’aménagement des territoires. Il ne faut pas opposer les élus avec les services de l’Etat ; on peut imaginer d’autres façons de procéder dans le développement de projets. Ce qui contribue à l’acceptation sociale d’une dotation, c’est la transparence. Avec la réserve parlementaire, de gros montants arrivaient sur les territoires sans être forcément compris, connus de nos concitoyens. Cette suppression fait suite à un rapport de la Cour des comptes de novembre 2014 soulignant des aberrations dans son utilisation : le financement d’une église, le financement du désendettement d’une commune, des versements récurrents chaque année à la même collectivité…

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