Aussi sinistre soit-elle, la dévitalisation des centres-villes n’est pas immuable

Hugo Soutra
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Vincent - 08/10/2016 22h:01

La fin de la croissance, suivie de la décroissance, s'annonce épique.www.theguardian.com/environment/earth-insight/2013/jul/19/economy-end-growth-resource-scarcity-costs

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SBO - 09/10/2016 10h:26

L'aménagement de la place Napoléon à La Roche sur Yon est un bel exemple de «contre balançage» de se processus car il a permis à de nouveaux commerces d'ouvrir en semaine et surtout le dimanche avec l'afflux des gens. Tout est possible.

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Aussi sinistre soit-elle, la dévitalisation des centres-villes n’est pas immuable

Centre-ville, la clé sous la porte

© Flickr-CC-DirectionCentreVille

Alors que les centres de Rodez, Béziers, Landerneau, Lunéville ou Rambouillet se vident progressivement de leurs commerces comme de leurs habitants, le livre « Comment la France a tué ses villes » offre une explication de ce phénomène complexe. L’auteur, Olivier Razemon, volontairement alarmiste pour susciter une prise de conscience, invite les élus et décideurs locaux à ne plus nier la situation. Mais, au contraire, à l’affronter.

N’importe quel élu local lisant un passage concernant son propre territoire dans « Comment la France a tué ses villes », le dernier livre d’Olivier Razemon, risquerait de prendre spontanément la mouche.

Un peu à la manière dont les maires indignés de Saint-Etienne, Dunkerque, Maubeuge ou Saint-Nazaire ont réagi après de récents articles du Monde et des commentaires désobligeants de Catherine Deneuve, Johnny Hallyday ainsi que du duo Eric & Ramzy sur leurs communes.

Cette fois-ci, il n’y a pourtant aucune raison de s’offusquer des tableaux sinistres que ce journaliste indépendant dresse de leurs villes respectives.

Abrupt mais factuel

Racontant le sort de territoires urbains en déshérence, l’auteur de « La tentation du bitume » ou du « Pouvoir de la pédale » multiplie les constats abrupts, certes, mais factuels.

Ici, de plus en plus de vitrines de boulangeries, boucheries et épiceries vides. A côté des devantures des quelques magasins de vapotage, de bijoux fantaisie ou des banques et des agences immobilières qui subsistent, les stores métalliques de commerces de bouche baissent en effet les uns après les autres.

Là, des logements vides qui commencent à tomber en ruine, à quelques dizaines de mètres à peine de la place du marché. Une vague de paupérisation grignote l’hyper-centre. Le quartier, hier central, se transforme progressivement en un tissu d’habitat indigne que continuent à fuir les classes moyennes supérieures désireuses de rallier une banlieue pavillonnaire cossue en périphérie.

Une bonne centaine de villes moyennes concernées par la vacance commerciale

A noter que ce phénomène de crise urbaine ne touche pas que des centres-bourgs victimes de la mondialisation et de la désindustrialisation. Rodez ou Vitré, pourtant présentées comme des villes dynamiques avec un faible taux de chômage, sont aussi concernées.

Si les cœurs de villes des communes touristiques et les métropoles parviennent encore à tirer leur épingle du jeu, plus d’une centaine de villes moyennes doivent toutefois faire face aujourd’hui à une grave vacance commerciale. A quoi s’ajoute, donc, la multiplication de logements vides, à mille lieues des mantras gouvernementaux alertant en boucle sur une « crise du logement » qui semble véritablement circonscrite aux zones tendues…

Aussi tragique et déplaisant soit-il de prime abord, le sujet de la dévitalisation urbaine n’en est pas moins réel pour Soissons, Périgueux, Saint-Dizier, Arras ou Melun.

Mondialisation du phénomène

Surtout, et c’est là que les édiles et leurs populations locales n’ont pas forcément à se sentir montrés du doigt, il n’a rien de spécifique à un territoire en particulier. C’est un phénomène global et structurel chiffré par l’Insee et documenté par des associations d’élus tels que l’APVF, Villes de France ou Centre-ville en mouvement, phénomène que l’on constate dans nombre de zones d’habitat peu denses, en France comme d’autres pays d’Europe (Belgique, nord de l’Angleterre, Allemagne de l’est) et du monde (Etats-Unis). Raison de plus pour ne pas nier la situation, mais essayer de chercher à la comprendre.

« A Sedan ou à Pamiers, les centres-villes ont été littéralement dissous par un puissant “magma périurbain”. Il y a une prolifération des centres commerciaux, parcs d’activités, hôtels, restaurants, piscines, cinémas et autres centres culturels en périphérie. A Privas, même les services publics tel que Pôle emploi ont déménagé en sortie de ville. Allez-vous promener – à pied ou en vélo car nous avons alors un regard différent qu’en voiture, croyez-moi – à Albi, Troyes, Saint-Brieuc et Colmar, et vous constaterez partout la même tendance », assène Olivier Razemon, l’auteur, lors d’une conférence organisée mardi 4 octobre par sa maison d’édition.

La responsabilité du consommateur

Estimant qu’« il faut comprendre ce qui est en train de se passer avant d’envisager des solutions », le journaliste diagnostique plus qu’il n’offre de remèdes. Outre que ce ne soit pas son métier, il explique ne pas croire au « Grand soir », au « solutionnisme » qui résoudrait tout d’un claquement de doigts. Et pour cause : la crise des centres-villes ne découle pas d’un complot ourdi par une oligarchie d’élus et de lobbyistes de la grande distribution avides qui contrôlerait tout sur tout.

Ce phénomène résulte bien davantage des comportements paradoxaux de la grande majorité de nos concitoyens, habitués à se mouvoir rapidement en voiture individuelle dans nos sociétés de consommation modernes. « Nous sommes tous responsables, à des degrés divers […] Nous courons à Intermarché ou à Lidl pour dénicher tel indispensable aromate ou pour profiter des prix “ultra-légers”. Mais nous déplorons la fermeture de l’épicerie de quartier », écrit laconiquement l’auteur.

S’appuyer sur le volontarisme citoyen et le « muscle » municipal ou départemental

Pour autant, de plus en plus de collectifs de citoyens responsables ainsi que d’autorités locales volontaristes tentent, à leur petite échelle, de redynamiser leurs centres-villes.

Cela passe par la création d’espaces publics de qualité, la multiplication des aménagements cyclables ou piétons au détriment des voitures, le développement de circuits-courts, les préemptions de commerces fermés ou des subventions pour aider à payer les ravalements de façade, etc. Il ne faut pas tout noircir. Une prise de conscience semble en train de s’opérer progressivement.

Attention néanmoins aux demi-solutions et à ne pas s’arrêter en cours de chemin : « Certaines associations de commerçants ou managers de centre-ville multiplient les animations pour les rendre à nouveau attractifs. C’est-à-dire qu’ils singent les pratiques des centres commerciaux, qui eux-mêmes ont singé les villes sans aucune vergogne… », ironise Olivier Razemon, qui dit sa faveur pour des politiques plus directes et radicales, en amont : « La première chose à faire consiste d’abord et avant tout à muscler les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), pour juguler l’installation de  commerces en périphérie et freiner l’extension de zones commerciales existantes. » A bon (élu) entendeur, salut !

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