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© Flickr-CC-C.Pelletier
Le Sénat vient de lancer une mission d’information sur les lignes aériennes dites d’aménagement du territoire. Josiane Costes (Cantal, RDSE), rapporteure, trace les grandes lignes de ce travail parlementaires : cartographier avec précision les territoires mal reliés à la capitale par le train ou la route, et étudier le modèle économique de ces lignes subventionnées, qui se disent très souvent déficitaires.
Courrier des maires : Votre mission porte sur les territoires enclavés, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas correctement reliés à la capitale par la route et le rail. Combien de Français sont actuellement concernés ?
Josiane Costes : Mon département, le Cantal, en est un ! Depuis Aurillac, il vous faut 7 heures de train pour rejoindre Paris avec deux changements ou 6h30 de route ! D’autres villes, chef-lieu de département ruraux sont dans la même situation : Castres, Brive, Rodez, etc. L’objet de cette mission est justement de proposer une cartographie précise des territoires qui ont impérativement besoin d’une ligne aérienne performante pour rejoindre la capitale ou une autre métropole française.
Avec la crise des gilets jaunes, on a vu certaines revendications rejaillir autour des avantages de l’État accordés au secteur aérien (taxe sur le kérosène). L’aérien n’est-il pas trop aidé et peu écologique ?
[caption id="attachment_81972" align="alignleft" width="155"] Josiane Costes, sénatrice (Cantal, RDSE)[/caption]
Lorsque l’on est à 3h30 de train de Paris, c’est acceptable et l’avion devient un plus. Mais en revanche lorsqu’il vous faut sept heures pour rallier la capitale par le rail ou par la route, ce n’est pas possible. Les chefs d’entreprise nous le disent : sans ces lignes aériennes ils quitteront le territoire ! C’est la mort économique de certains territoires qui en jeu ici… [ndlr : le chef d’entreprise, Philippe Matière, spécialisé dans les travaux publics et structures métalliques à Aurillac est en effet très présent sur ces questions]
Bien sûr, j’entends la question écologique, il faut aussi comprendre que dans certains territoires pour le moment on ne peut pas faire autrement, alors en attendant que le train s’améliore, ces liaisons aériennes demeurent vitales pour ces territoires enclavés.
En France, une vingtaine de lignes aériennes qui ont obtenu l’agrément européen « Obligation de service public » (OSP) et sont donc subventionnées par les pouvoirs publics, pourtant elles se disent souvent déficitaires : quelles sont les pistes que le Sénat va explorer ?
Je pense que la cartographie des lignes aériennes réellement indispensables est une bonne base de travail. L’une des pistes serait ainsi de proposer à l’État de concentrer ses aides sur les départements qui en ont le plus besoin et d’arrêter le saupoudrage. D’autant plus que les collectivités concernées mettent, elles aussi, la main au portefeuille et que ces investissements les étranglent littéralement. Dans le Cantal, la délégation de service public sur la ligne arrive à terme en juin 2019 et à l’occasion de ce renouvellement, nous allons passer d’une subvention de 500 000 euros par an à près de 900 000 euros pour maintenir la ligne ! L’État a aussi augmenté sa participation, mais ce n’est pas encore suffisant. Et si cela augmente, c’est que les compagnies affirment être en déficit.
Nous voulons donc également nous pencher sur le modèle économique des compagnies sous OSP. En effet, sur nos territoires, elles ne sont pas soumises à la concurrence. Un Paris-Aurillac au dernier moment c’est 580 euros, le même prix qu’un Paris-New-York, comment les compagnies construisent-elles le prix de leurs billets ? Nous avons beaucoup de questions sur cet aspect-là qui nous apparaît parfois comme « nébuleux ». Les questions liées à la vétusté du matériel sur ces lignes sous OSP seront aussi abordées.
Certaines collectivités comme Périgueux ou Lannion ont été obligées de jeter l’éponge faute de financements suffisants sur des lignes effectivement déficitaires…
Si les compagnies peuvent prouver que le déficit est effectivement très lourd, la seule solution est que l’État soutienne davantage les collectivités en question pour sauvegarder les lignes aériennes « vitales » économiquement. Car les territoires enclavés dont nous parlons sont pour la plupart très pauvres. Bref, ils subissent une double peine.