Assumer le mandat de maire, un calvaire parfois très éphémère...

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Assumer le mandat de maire, un calvaire parfois très éphémère...

Maire démissionné

Les responsabilités croissantes pesant sur les maires des petites communes, aux moyens humains et administratifs limités, en poussent parfois certains à jeter l’éponge en cours de mandature. Quand la justice ne les déclare pas démissionnaires d’office, chose rare ayant récemment visé un élu de la Vienne.

Par Jean-Louis Vasseur, avocat associé, Seban et associés

Noël 2013. Dans le journal municipal de la petite commune de Moulismes (Vienne), le maire de l’époque annonce sa décision, après six mandats au conseil municipal dont deux comme maire, de ne pas se représenter aux municipales de mars 2014. Et d’évoquer, pour justifier ce retrait, la tâche de plus en plus prenante et ingrate, les responsabilités croissantes exigées « d’un maire de nos petites communes rurales ». Mais son propos avait-il été suffisamment médité ?

En mars de l’année suivante, à l’occasion du scrutin municipal, un nouveau conseil s’installe et élit à sa tête Laurent Wanègue, nouveau maire. Il faut croire que les propos de son prédécesseur n’étaient pas exagérés tant le mandat semble peser bien lourd sur les épaules de certains élus. En effet, sept mois à peine après son élection, le nouveau premier magistrat de Moulismes déclare à son tour forfait.

Retrait des délégations à la première adjointe

Depuis plusieurs semaines, un conflit ouvert l’opposait à sa première adjointe, Nathalie Tabuteau, lequel a littéralement enflammé le climat en conseil municipal. Les deux élus s’étaient accordées en avril 2014, au lendemain des élections : Laurent Wanègue, devenant maire, et Nathalie Tabuteau, obtenant le poste de numéro 2 de l’exécutif. Mais des désaccords ont vite refait surface.

En octobre 2014, le patron de l’exécutif demande ainsi au conseil municipal le retrait des délégations de sa première adjointe, sans toutefois obtenir de majorité. N’ayant bientôt plus que le soutien d’une petite partie du conseil municipal, le maire annonce préférer démissionner de ses fonctions, un vote le remplaçant par son ex-première adjointe. Il souhaite, cependant, demeurer membre du conseil municipal, afin, comme il le déclare alors dans la presse locale, « de soutenir et conseiller [ses] colistiers ».

Démissionnaire d'office

Mais la situation du conseiller municipal va se dégrader encore durant plus de trente mois, d’octobre 2014 à avril 2017. Au fur et à mesure de ses initiatives… Laurent Wanègue multiplie en effet les occasions de faire connaître son humeur, notamment par le recours à la dérision - sa chanson baptisée « Les cloches » a laissé plus d’un élu sonné par l’attaque… -, et, pour finir, par une déclaration expresse de refus de participer à la tenue d’un bureau de vote lors de l’élection présidentielle.
Voilà qui conduit la maire Nathalie Tabuteau a demandé au tribunal administratif de Poitiers, dans une requête enregistrée le 20 avril 2017, de déclarer l’intéressé démissionnaire d’office du conseil municipal, cette fois. Ce que le tribunal fait dans son jugement du 16 mai suivant (n° 1701010).

Testament politique

Se fondant sur les articles 43 et 44 du code électoral obligeant les membres du conseil municipal à participer à l’organisation des bureaux de vote, et sur l’article R. 2121-5 du même code, attribuant au tribunal, saisi par le maire dans le délai d’un mois après que ce dernier a constaté le refus de remplir les fonctions évoquées, de prononcer la démission d’office des membres des conseils municipaux concernés, le juge administratif a déclaré, chose rare, démissionnaire d’office l’ancien premier édile.

Fin du calvaire pour l’ex-maire et ex-conseiller municipal au mandat très éphémère, qui se dit toutefois très fier de laisser comme testament politique… l’agrandissement du cimetière municipal « où il ne restait plus qu’une place ! »

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