Carte départements
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Le Sénat veut favoriser les fusions de départements entre eux par une « carotte » financière : la stabilité de leurs dotations pendant trois ans. L’amendement au budget 2015 voté le 6 décembre dernier appuierait ainsi, sur un modèle proche des « communes nouvelles », la création de « départements nouveaux ». Mais dans un délai restreint, jusque fin 2015, pour éviter les effets d’aubaine.
Encourager les fusions de départements entre eux par une « carotte » budgétaire : tel est l’amendement inattendu voté le 6 décembre au Sénat lors de la discussion de la mission « relations avec les collectivités territoriales ». Un vote rendu plus surprenant encore car effectué à l’unanimité au Palais du Luxembourg sur une proposition revenant en premier lieu… au groupe socialiste.
Afin de favoriser leurs fusions, le texte prévoit que les conseils départementaux volontaires qui procéderaient à ce regroupement d’ici au 1er janvier 2016 bénéficieraient d’un traitement de faveur sur le plan financier : le maintien d’une dotation stabilisée pendant trois ans. En somme, une « carotte pour réduire le nombre de départements », comme résumé par Jean-Claude Requier (RDSE, Lot), ou du moins « une absence de bâton », a corrigé la présidente PS de la commission des finances, Michèle André. Car tous les autres départements subiraient bien, eux, la baisse des dotations programmée jusque 2017. Or, 1,148 milliard en moins est déjà prévu pour cette strate de collectivités en 2015…
La fusion mieux accueillie que les suppressions
« Certains cadres historiques n'ont plus de sens », a justifié le sénateur PS Jean Germain (Indre-et-Loire) qui défendait pour son groupe l’amendement. « Le regroupement de départements, hypothèse à laquelle plusieurs conseils départementaux réfléchissent actuellement, pourrait leur permettre de mutualiser des moyens humains et financiers, et ainsi d’optimiser la mise en œuvre de politiques publiques en faveur de la solidarité, dans un contexte financier contraint », renchérissait, peu après le vote, le groupe socialiste dans son ensemble.
Un groupe désireux de « faire confiance aux élus locaux » et de rendre « plus fluide les regroupements de départements, qui vont dans le sens de l’évolution actuellement envisagée pour ces derniers, et de la rationalisation de la carte territoriale ».
Rapidement, le groupe socialiste, redevenu minoritaire au sortir des sénatoriales de septembre, a été suivi dans sa démarche par les autres forces politiques. « Votons cet amendement pour montrer que le Sénat n'est pas conservateur ni replié sur lui-même », a invité le radical Jean-Claude Requier. Et ce alors que son groupe RDSE avait été à la pointe du combat sénatorial, contre la suppression des départements voulue un temps par l’exécutif et pour la préservation de ceux-ci, à minima, en milieu rural.
Le « Pélissard départemental »
Même enthousiasme imprévu du côté de l’UMP. « Une incitation financière, une démarche reposant sur le volontariat, cela va dans le bon sens. Je voterai l'amendement », a appuyé Alain Fouché (Vienne). « Voici le Pélissard départemental… C’est un vecteur d’économies d’échelle », s’est félicité le rapporteur spécial, Charles Guéné (UMP, Haute-Marne), en référence à la proposition de loi du président d’honneur de l’AMF qui favorise les communes nouvelles par une DGF bonifiée.
« Dans la région Centre, trois départements, le Loiret, l'Eure-et-Loir de M. Montgolfier et le Loir-et-Cher de M. Leroy, essaient de mutualiser des services. […] Je crois beaucoup au rapprochement des départements, qui correspond au souhait de l'Etat d'arriver à une cinquantaine de départements. Cela serait source d'économies », a pour sa part appuyé le sénateur UMP et président du conseil général du Loiret, Eric Doligé. « Il y a une prime au regroupement pour les intercommunalités, rien pour les départements », a enfin rappelé Michel Bouvard (UMP, Savoie).
Impact sur les départements « solitaires »
Plutôt favorable au principe, le secrétaire d’Etat au Budget s’est toutefois opposé au vote de l’amendement. Car si cette « carotte » financière était proposée au sein de l’enveloppe normée, donc sans conséquence aucune pour les finances de l’Etat, elle ne pouvait, par définition, que rejaillir sur les départements ne fusionnant pas.
« L'impact sur les autres départements serait, lui aussi, énorme. Les communes nouvelles, elles, ne seront sans doute pas très nombreuses, et il y a 36 000 communes : l'impact sur les autres sera insensible. Il en irait différemment pour la centaine de départements », s’est inquiété Christian Eckert. Peine perdue, les sénateurs tenant à cette « prime » à même d’aider les départements fusionnant « à faire face aux coûts inhérents aux regroupements », selon Michel Bouvard.
La Haute Assemblée a également souhaité conserver la limitation dans le temps de cette incitation. « Certains petits départements souhaitent vraiment fusionner et se préparent déjà. Aidons-les en ne leur opposant pas des statistiques improbables ! C'est pourquoi nous avons prévu la date butoir de 2016, qui élimine les risques que le ministre envisage », a plaidé Jean Germain. Sous-entendu : dans un tel délai, seuls les départements les plus modestes – et non ceux par exemple de Savoie ou d’Ile-de-France – auraient le temps de fusionner et les impacts financiers sur les autres départements se partageant le reste de l’enveloppe normée en seraient donc limités.
Fusions en vue après les élections départementales ?
Ainsi, pas « d’effets d’aubaine » possible avec ce seuil, a assuré Michel Bouvard. « Il n'y a pas de menace avec une échéance au 1er janvier 2016. Les élections départementales doivent se tenir les 22 et 29 mars ; les nouvelles assemblées vont être largement modifiées. Il n'y aura pas de nouvelles décisions avant mai ou juin. Pas de risque, donc, mais il est toujours utile de donner un signe », a appuyé Eric Doligé. Avant d’ajouter tout de même qu’un « texte suivant pourra, si nécessaire, proroger le délai ».