Après la RGPP et la REATE... Que reste-t-il de l'Etat local?

La rédaction

Alors que s'engage une nouvelle étape de la décentralisation, que reste-t-il de l'Etat au niveau local ? Au fil des lois renforçant les pouvoirs des collectivités territoriales l'Etat local muait peu à peu, volontairement ou contraint par le transfert de ses compétences. Un "transfert" parfois qualifié d'"abdication".

"L'Etat a alors perdu son rôle de pilote de l'action publique locale et s'est repositionné, au fil des années 1980 et 1990, dans un rôle de conduite accompagnée de collectivités tout juste majeures. Il est resté pour les aider à faire l'apprentissage des compétences qu'il leur avait transférées", observe Renaud Epstein, chercheur associé à l'Institut des sciences sociales du politique (ENS Cachan).

ENTRE RETOUR ET RETRAIT
C'est donc un "Etat partenaire" qui a succédé à "un Etat tutélaire", "cherchant moins à imposer localement les politiques nationales qu'à les adapter aux enjeux et aux priorités des territoires, poursuit le chercheur. L'Etat poussait désormais les territoires à se doter de projets et travaillait à déminer les conflits territoriaux".

Les années 2000 marquent pourtant une certaine rupture avec cette logique, consacrant tout à la fois un retrait de l'Etat local… et un retour de l'Etat central. "Avec l'acte II de la décentralisation de 2004, l'autonomie des collectivités a été renforcée, puisqu'elles se sont vu confier la totalité de certaines responsabilités auparavant partagées avec l'Etat : RMI, aides à la pierre, routes, etc. Mais il s'agit là de transferts horizontaux, des services déconcentrés vers les collectivités, qui ont mis fin au régime de cogestion antérieur."

RGPP ET REATE : DIGERER L'IMPACT
Le retrait de l'Etat local s'est prolongé avec les réformes néo-managériales des années 2000 : la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), votée en 2001, "a radicalement changé le mode de conception des politiques de l'Etat, aboutissant à une réduction de l'autonomie des services déconcentrés vis-à-vis des administrations centrales", juge Renaud Epstein.

A rebours de l'acte I, l'acte II de la décentralisation aura ainsi préfiguré un mouvement de recentralisation des services étatiques qu'a prolongé la révision générale des politiques publiques (RGPP), dont la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux a surtout impacté les services déconcentrés.

"L'Etat s'est retiré des territoires, fermant bases militaires, tribunaux, équipements sanitaires, arrondissements et subdivisions de nombreux services. S'ajoutent à cela les fusions de services organisées dans le cadre de la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (Réate), qui ont suscité de multiples problèmes organisationnels, immobiliers, informatiques, statutaires, etc. Pendant deux ans, toutes les énergies des services déconcentrés ont été accaparées par ces réorganisations internes, au détriment des relations externes, d'où une perte de lien avec les collectivités", constate le chercheur.

RELATIVE STABILITE
Alors que les services déconcentrés ont à peine eu le temps de digérer la Réate et la RGPP, quels rôles joueront-ils demain face à des collectivités aux compétences élargies ? Une nouvelle remise à plat est peu probable.

Ains, le rapport réalisé par trois inspections générales sur la mise en œuvre de la RGPP et remis au Premier ministre le 25 septembre 2012 suggère-t-il "d'achever les mesures RGPP en cours, sauf exception" et recommande "une période de stabilité pour les organisations affectées" par la réforme. Tout juste y est-il souhaité que, dans les services territoriaux, "la stratégie interministérielle de présence de l'Etat soit précisée en préalable à tout aménagement, les ministères ne portant pas les mêmes visions en la matière et un nouvel acte de décentralisation étant en préparation".

L'architecture de l'Etat local ne devrait donc pas être à nouveau bouleversée, si ce n'est pour s'adapter à certaines réalités démographiques, par exemple dans les sous-préfectures, dont le réseau devrait évoluer au printemps 2013, a confirmé le ministre de l'Intérieur.

Reste à l'Etat local à accompagner les nouveaux modes de contractualisation avec les collectivités issus des "conférences territoriales des compétences" voulues par la ministre de la Réforme de l'Etat. Des conférences dans lesquelles Marylise Lebranchu souhaite la présence d'un représentant de l'Etat, comme elle l'a rappelé le 26 septembre 2012 devant les élus des villes moyennes.

Renaud EPSTEIN,
maître de conférences en science politique à l'université de Nantes

"On ne reviendra pas en arrière"

"Malgré la volonté affichée du gouvernement d'associer dorénavant réforme de l'Etat et décentralisation, on ne reviendra pas en arrière. L'annonce de l'abandon de la RGPP est importante sur le plan symbolique, mais un cap de non-retour a été franchi s'agissant des compétences et des ressources de l'Etat local. Et ce, d'autant plus que la situation budgétaire n'est pas favorable à un réinvestissement des services déconcentrés. En outre, le pilotage à distance des politiques territoriales présente un certain intérêt pour les élites centrales, puisqu'elles n'ont plus à composer avec des services déconcentrés qui faisaient primer les projets locaux sur les priorités nationales."

PREMIER CIMAP A MATIGNON.
Présidé par le Premier ministre,  le premier Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) réuni le 18 décembre 2012 à Matignon, a défini 5 grandes orientations :
— simplifier l'action publique ;
— mesurer la qualité du service public ;
— accélérer la transition numérique ;
— évaluer pour moderniser les politiques publiques ;
— intégrer les agences et les opérateurs dans la modernisation de l'action publique.

© Le Courrier des maires  d’octobre 2012 – Tous droits réservés

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