Faut-il annoncer une maladie grave ? Pour dire quoi exactement ? Pourquoi révéler sa pathologie ? Au-delà des conséquences politiques, la réponse est d’abord personnelle.
Vêtu de sa célèbre veste rouge, Patrick Roy a fait son retour sur les bancs de l’Assemblée nationale le 15 mars 2011. Atteint d’un cancer du pancréas, le député-maire de Denain (20 000 hab.) avait révélé sa maladie en novembre dans un communiqué.
Un mois plus tard, l’élu invitait ses concitoyens au théâtre municipal de sa ville. Sans détour, il s’exprime alors sur son état. Il raconte comment, quinze jours auparavant, après deux chimiothérapies infructueuses, les médecins ne lui ont donné que quelques semaines à vivre. Acte d'espérance, d'amitié, d'adieu… Le député-maire de Denain décède le 3 mai 2011.
Communication émouvante. Inhabituelle. Rien n’oblige les élus locaux à s’expliquer sur leur santé. « Seule une volonté de transparence, dans l’air du temps, y pousse certains élus », relève Bernard Poujade, professeur agrégé des facultés de droit et avocat.
Un choix personnel
« Parler de mon cancer s’inscrit dans le cadre de la transparence des relations que j’entretiens avec les citoyens. Avec mes proches, nous avons pratiqué une coproduction, mais la décision m’appartient. C’est éminemment personnel », confie Jean-Claude Antonini, maire d’Angers (49) et président d’Angers Loire Métropole (283 000 hab.), quelques jours avant de revenir aux affaires après une opération chirurgicale de plusieurs heures en janvier. L’ancien médecin, touché par un cancer du poumon, s’occupe seul de la communication à ce sujet.
Il a révélé sa maladie juste avant d’être hospitalisé, en moins de 20 lignes, dans un premier communiqué. Il a lui-même rédigé le texte, quelque peu retouché par son service de communication. « J’ai fait une erreur en ne précisant pas la localisation du cancer car je trouvais cela exhibitionniste. Si c’était à refaire, je dirais tout de suite qu’il s’agit d’un cancer du poumon », estime l’élu. Jean-Claude Antonini souhaite à la fois éviter les spéculations sur sa pathologie et indiquer qu’il conserve ses fonctions.
A l’inverse, en 2004, le maire de Puteaux (44 500 hab.), Charles Ceccaldi-Raynaud, tombe malade et choisit dans un premier temps de ne rien révéler. Mais cacher son état laisse libre cours à toutes sortes d’extrapolations. Sur le marché, les rumeurs vont bon train.
Dévoiler sa maladie place le discours sur un plan politique et non plus privé. « Dans une ville de moins de 50 000 habitants, comme Puteaux, tout se sait. La presse a commencé à parler de la maladie du maire à partir du moment où il a démissionné. On rentrait sur le terrain politique. La presse a surenchéri pour tacler un élu qui passait le pouvoir à sa fille, mettant l’accent sur un côté pas très démocratique » se souvient Franck Confino, à l’époque directeur de la communication de Puteaux.
Retour aux affaires
Etre atteint d’une maladie grave nécessite en effet pour l’élu d’anticiper une éventuelle absence, le temps d’une hospitalisation et d’une convalescence. « J’ai réorganisé mon système de gouvernance. Mon directeur général et mon directeur de cabinet ont été en contact avec moi dès que possible après mon réveil, 5-6 jours après l’opération. J’ai demandé à mon adjointe de diriger les conseils municipaux », précise Jean-Claude Antonini. Pendant sa convalescence, il a enchaîné les rendez-vous chez lui.
Une façon de faciliter le vrai retour aux affaires, qu’il faut gérer. En 2004 à Puteaux, Charles Ceccaldi-Raynaud finit par démissionner de sa fonction de maire. Sa fille est élue à sa place dans la foulée. Elle refusera le retour de son père à l’issue de sa maladie. Depuis, une guerre ouverte oppose le père et sa fille. Le magazine « Complément d’enquête » de France 2 diffusait fin 2010 un reportage sur une « succession aux allures de coup d’état familial »… D’où l’importance de prévoir son retour. Patrick Roy l’avait annoncé dans différentes interviews (sur Europe 1 dès le 4 février lors de la Journée mondiale contre le cancer, la veille sur le site web DailyNord…). Jean-Claude Antonini a, dès le début, expliqué qu’il reviendrait après quelques semaines de repos et rapidement prévu une « interview de rentrée » : « Pour parler de mes projets ».
Fabienne ColinL’heure de la transparence
« Nous sommes à l’époque de la transparence. Si un élu est touché par une maladie grave avec des conséquences sur l’exercice de ses fonctions, mieux vaut l’annoncer », explique d’emblée Françoise Boursin, professeure des universités au Celsa-Paris Sorbonne. Elle conseille, selon le statut de l’élu, de diffuser un communiqué à la presse ou de provoquer une interview par le média local le plus important. Objectif : « Dire la vérité, sans larmes, donner le nom de sa maladie, indiquer le traitement suivi en restant optimiste et en misant sur la transparence. Il faut également préciser en quoi cela va perturber son mandat, » estime Françoise Boursin. Même si les mentalités changent, la santé demeure une affaire très intime. Selon Franck Confino, ex-directeur de la communication de la ville de Puteaux, « il faut d’abord capter la volonté de l’élu puis s’en tenir à son tempo ».