François Baroin, Gérard Larcher, Dominique Bussereau et Hervé Morin réunis au sénat le 21 janvier pour les vœux de l'Association territoires Unis
© twitter @gerard_larcher
Réforme de la fiscalité locale, révision de la Constitution et de la loi Notre : les trois grandes associations d’élus ont ensemble fait feu de tout bois contre l'Etat en présentant des vœux communs avec le président du Sénat ce 21 janvier. En chœur avec Gérard Larcher, François Baroin, Dominique Bussereau et Hervé Morin veulent profiter du Grand débat national pour obtenir une nouvelle étape de décentralisation.
En position de force. C’est le sentiment partagé et affiché dans leurs discours par les présidents des trois grandes associations d’élus – AMF, ADF et Régions de France – et du Sénat à l’heure de présenter leurs vœux pour 2019. Comme depuis l’officialisation à Marseille fin septembre dernier de leur « méta-association » Territoires Unis, François Baroin, Dominique Bussereau et Hervé Morin n’ont pas perdu une nouvelle occasion d’afficher leur unité, et le soutien de Gérard Larcher, pour mieux défier l’exécutif, affaibli par la crise des gilets jaunes.
Haro sur toute velléité de transformation du Sénat
D’autant que les quatre acteurs ont trouvé une nouvelle raison de faire front commun en repoussant en chœur toute éventualité de voir le Sénat transformé ou fusionné avec le Conseil économique, sociale et environnemental (Cese), comme semblait le suggérait Emmanuel Macron dans sa lettre aux Français avant d’affirmer le contraire en tête-à-tête avec le président de la haute chambre, selon Gérard Larcher. « Ce serait une très mauvaise idée parce que nous avons besoins du bicaméralisme face à l’emballement de nos compatriotes, d’une institution qui soit capable de réfléchir, de construire l’échange, a asséné la patron de Régions de France, Hervé Morin. La question n’est pas celle-là. La question est celle de l’organisation démocratique et certainement pas d’avoir un bouc-émissaire et qu’il suffirait de supprimer une des deux chambres ». Et l’ancien ministre de préférer pointer du doigt « l’alignement du calendrier électoral » entre élection présidentielle et élections législatives, et… l’autre chambre, dans un système qui « amène l’Assemblée nationale à ne plus avoir aucune légitimité propre avec des députés qui représentent un chef de l’Etat à qui ils doivent tout ». « Le Sénat est grand puissant, lumineux », a pour sa part flatté François Baroin. Et de s’étonner devant la « contradiction à constater des problèmes de proximité» et l’hypothèse émise de « supprimer la seule chambre capable de porter les territoires. Je n’ai aucune inquiétude pour le Sénat, pas plus sur le Cese », a-t-il fermé le débat.
Participer au Grand débat... en tant qu’associations d'élus
Les trois présidents d’associations d’élus n’en ont pas moins évoqué de grands projets pour 2019, comme la demande d’une « Conférence territoriale et sociale », selon les mots d’Hervé Morin, pour synthétiser notamment les demandes du Grand Debat. François Baroin pressait lui l’Etat de « dire tout de suite quelle forme prendront les conclusions » du Grand débat national.
« Nous ferons une proposition de participation au débat et des propositions tous ensemble », a ajouté la patron des départements, Dominique Bussereau. Quant au patron de l’AMF, ce dernier a tenu a mettre les points sur les « i » sur la ligne tenue par l’Association des maires de France sur le Grand débat : « Notre position est très claire : les communes de France ne sont ni des succursales, ni des prestataires de l’Etat, les élus sont au services des administrés. Nous devons favoriser la remontée de nos administrés, nous serons des facilitateurs des contributeurs. Ceux qui veulent aller plus loin, c’est leur liberté et c’est très bien », a-t-il voulu clore le chapitre.
Un acte III sans "rouvrir la boite de Pandore" de la loi Notre
Sur le fond, le trio associatif veut profiter de ce grand débat pour porter plus avant ses revendications d’une « nouvelle étape de la décentralisation », un « Acte III » qui « doit être écrit comme élément de perspective » ambitionne François Baroin, se référant à la motion votée lords du dernier Congrès des maires. Objectif : « inscrire la commune dans la Constitution ». « Il faut une nouvelle décentralisation » face à « la verticalisation de l’Etat », a appuyé Dominique Bussereau.
Et, comme pour prévenir toute accusation de souhaiter un nouveau « big-bang territorial » de trop pour les élus locaux, le trio s’est évertué à décrire ce que ne devait pas être cet acte III. « Si c’est pour le pour rouvrir le débat sur régions, ça va être boite de Pandore. Remettre en cause l’échelon départemental ? Mais, alors qui va porter les politiques sociales ? », a prévenu François Baroin. Pas question non plus de confondre « décentralisation et déconcentration, ça n’a rien à voir, alerte Hervé Morin. Et quand j’entends le chef de l’Etat dans l’Eure dire qu’il allait à nouveau porter la déconcentration, il se met le doigt dans l’œil car le jour ou l’Etat ira envoyer des fonctionnaires dans les territoires, ce n’est pas demain la veille ! Il faut faire un choix simple : soit on fait le choix de la décentration sur certains champs soit de la déconcentration sur d’autres, mais il faut faire un choix. »
« Il ne s’agit pas de reprendre aux régions des attributions, mais de remettre de la souplesse », a détaillé Dominique Bussereau. « Il ne s’agit pas seulement de savoir s’il faut leur transférer des compétences, mais de libérer les collectivités territoriales », a renchéri Gérard Larcher. Et pour faire avancer les propositions du quatuor, le président du Sénat a opportunément rappelé qu’une proposition de loi en ce sens, votée au Sénat en décembre, attendait sur « le bureau de l’Assemblée nationale » d’être inscrite à l’ordre du jour du Palais Bourbon.
Pas question de diminuer le nombre d'élus locaux
Le président du Sénat est aussi revenu sur la réforme des institutions dont fait partie le projet de loi de révision constitutionnelle, confirmée par Emmanuel Macron lors de leur entretien à l’Elysée. L’occasion pour l’élu des Yvelines de réitérer ses lignes rouges : la « juste représentation des territoires au Parlement », à savoir un député et uns sénateur minimum par département, l’abandon de toute suppression niveau de collectivité, idée sur laquelle le Président de la république interroge des Français dans sa lettre. Tout comme la clôture définitive du débat sur le nombre d’élus : « est-ce que réduire le nombre d’élus, c’est le sujet aujourd’hui ? Je crois plus que jamais à la trame des plus de 500 000 élus territoriaux de notre République pour la cohésion sociale. Je crois en l’importance de la démocratie représentative dont les conseillers municipaux sont les premiers représentants ».
Le tout avant de tacler l’engouement ambiant pour davantage de participation des citoyens dans la décision publique : « avant de vouloir tirer au sort des citoyens pour les associer à la décision publique, ne faudrait-il pas d’abord faire le serment de la confiance avec les élus des territoires ? Eux n’ont pas attendu 2019 pour organiser des conseils de quartiers, des plateformes participatives... ». Et d’en référer au référendum local de 2016 sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour mettre Paris devant ses contradictions : « L’Etat ne peut guère faire la leçon de la démocratie participative, le président du département de Loire-Atlantique peut en attester... ».
Des contrats financiers morts-nés selon Territoires Unis
D’une seule voix, le quatuor a annoncé la mort imminente des contrats financiers limitant à 1,2 % la progression des dépenses de fonctionnement des plus grandes collectivités. Se référant aux quelque dix milliards d’euros de dépenses supplémentaires représentés par les annonces faites mi-décembre par Emmanuel Macron pour répondre aux demandes gilets jaunes, « soit quasi autant que l’effort financier demandé aux collectivités territoriales d’ici 2022 », Gérard Larcher s’est interrogé à haute voix : « dans ces conditions, quels est le sens des contrats financiers de Cahors demandés aux collectivités ? Je préfère Souillac 2019 à Cahors 2017… » a-t-il glissé en comparant le théâtre du long échange entre les chef de l’Etat et les maires le 18 janvier dans le Lot à celui de la Conférence nationale des territoires qui avait officialisé la contractualisation financière.
François Baroin a lui remis en cause un outil digne d’une « recentralisation d’un autre âge », d’autant que toutes les collectivités en seraient victimes : « car quand un département signe un contrat à 1,2% alors que c’est déjà le niveau d’inflation prévu pour l’année prochaine, ce sont des moyens des subventions en moins pour toutes les communes. Même choses pour le intercommunalités XXL », regrette-t-il. Dominique Bussereau s’est fait lui plus définitif encore face à ce dispositif de « Cahors de morne plaine et les 1,2 % au moment où l’Etat lâchait tout pour calmer l’incendie : l’année 2019 va voir la disparition de cette règle stupide pour les plus grandes collectivités » assure-t-il.
Quant au projet de loi de finances rectificative attendu pour asseoir les mécanismes de compensation de la taxe d’habitation, les trois associations d’élus semblent s’être fait une raison : « nous avons bien compris que le texte printanier serait au mieux automnal voire hivernal… » a glissé le président de l'ADF. Le temps pour l’exécutif de retenir le scénario final de compensation mais également pour le trio associatif de construire un scénario alternatif commun. Seule certitude : « il va falloir couper à la serpe ce brouillard tellement épais qu’à un peu plus d’un an des élections municipales, nous ne savons pas comment nous allons financer services publics essentiels de proximité... », a tancé François Baroin.