Alimentation durable : les maires doivent « accompagner le changement »

Alimentation durable : les maires doivent « accompagner le changement »

fruits légumes

© Phovoir

Le ministère de l'Agriculture, Stéphane Travert, est venu rappeler aux élus locaux qu'ils disposaient d'un levier stratégique pour offrir une alimentation durable et de qualité à travers la restauration collective. L'Association des Maires de France, qui a observé une "prise de conscience" au cours des dernières années malgré plusieurs difficultés juridiques et financières, continuera d'épauler ces derniers pour mettre en place leurs politiques alimentaires.

Les travaux des différents groupes réunis pour les « Etats généraux de l’alimentation » ont pris fin ; leurs conclusions n’ont pas encore toutes été rendues. Mais, quelles que soient les pistes retenues pour aboutir à une meilleure répartition de la valeur et ainsi assurer une juste rémunération aux producteurs français, le gouvernement sait d’ores et déjà qu’il ne pourra les mettre en œuvre en restant seul. C’est pourquoi le ministre de l’Agriculture n’a pas hésité une seule seconde à faire le déplacement au 100ème Congrès des maires. « La restauration collective, avec l’approvisionnement local, offre un levier stratégique pour décliner cette politique publique. »

« Mon ministère a encore soutenu vingt-deux projets alimentaires territoriaux (PAT) rien que pour l’an dernier. L’AMF doit continuer, en parallèle, à faire des élus motivés des accompagnateurs du changement » a exposé Stéphane Travert en introduction de l’atelier sur l’alimentation durable de qualité, jeudi 23 novembre. Un discours dans lequel s’est immédiatement reconnu la vice-présidente de l’AMF et maire (LR) de Morlaix, Agnès Le Brun. « Tout comme l’Etat, les collectivités ont une évidente responsabilité pour offrir une alimentation saine, non seulement aux élèves mais à tous les bénéficiaires de la restauration collective. Que le ministre se rassure : il s’agit, pour nous, d’une préoccupation de plus en plus prégnante. »

Consomm'action et protection de l'environnement

Car il faut reconnaître que la dizaine d’élus écologistes pionniers dans la défense des circuits-courts alimentaires, esseulés voilà encore de cela quelques années, ont depuis été rejoints par un certain nombre de leurs homologues, eux aussi désireux de sensibiliser les enfants et familles de leurs territoires à l’agriculture durable. Outre partager le même objectif de faire de leurs populations des consomm’acteurs, ils voient l’approvisionnement local comme un moyen de soutenir l’économie locale, en faisant vivre de manière concrète la notion très à la mode de coopération urbain-rural et d’alliance des territoires.

Autres motifs avancés : l’évolution des modes de consommation et la résistance au pouvoir grandissant de la grande distribution nourrissant l’étalement urbain, ou bien encore la protection de l’environnement. « A Rennes, où la collectivité livre entre 10 et 12 millions de repas par jour aux écoles, administrations et autres EPHAD, le sujet nous préoccupe depuis 2014. Nous avons réfléchi à une trentaine d’actions, regroupées dans notre Plan alimentaire durable, adopté en juin dernier en conseil municipal. Nous les mettons progressivement en place afin de réduire le gaspillage alimentaire de moitié ainsi que d’atteindre 20% d’approvisionnement en denrées issues de l’agriculture biologique, et 20% produites localement dans le respect de l’environnement » relate Nadège Noisette, l’adjointe au maire déléguée aux approvisionnements.

Soutien en ingénierie et bonnes pratiques

« Nous assistons à une prise de conscience collective. Les élus ont compris qu’il s’agissait d’un véritable enjeu d’exemplarité » assure Agnès Le Brun. D’où l’investissement de l’Association des Maires de France sur le sujet, notamment en matière de diffusion des bonnes pratiques. « La plupart des actions que nous avons mené à Muttersholtz, comme le soutien à une activité maraîchère d’insertion sociale basée sur notre territoire, sont reproductibles assez facilement dans d’autres territoires » illustre le premier édile de la ville, Patrick Barbier.

En lien avec les représentants des départements et des régions, l’AMF a également développé un « vademecum pour encourager l’approvisionnement local. » Certains diront, pour apprendre à contourner la règlementation européenne interdisant la préférence locale. « Pour dire franchement les choses, il y avait une difficulté des petites collectivités dépourvues de services « Marchés publics » de se procurer des produits de proximité, en introduisant par exemple de nouveaux critères dans leurs cahiers des charges comme la prise en compte du bilan carbone » justifie la maire de Morlaix, qui a ensuite présenté les résultats d’un appel à initiatives ayant recueilli le retour de 69 collectivités locales.

Surcoûts "politiques" à amortir sur le long-terme

« Un certain nombre ont mis en avant des problèmes de surcoûts. C’est une question complexe, d’autant plus difficile à évaluer qu’elle est généralement reliée à une forte volonté politique. Comme la politique de santé a un prix, une politique alimentaire durable de qualité coûte cher » reconnaît Agnès Le Brun. « Il ne faut pas raisonner uniquement en termes de coûts ! Je peux vous assurer qu’à Lons-le-Saulnier, où nous avons tissé un partenariat de qualité avec le tissu agricole local depuis plusieurs années, la baguette bio nous coûte aujourd’hui le même prix que si nous achetions une baguette auprès d’un fournisseur industriel. C’est dans la durée qu’une politique alimentaire se construit » illustre le premier édile, par ailleurs ancien président de l’AMF, Jacques Pélissard.

Comme d’autres villes, Lons-le-Saulnier s’est également dotée depuis peu d’une « légumerie » – une plateforme où sont livrées les différentes productions, regroupées, lavées et épluchées avant d’être redistribuées vers le restaurant municipal fournissant le restaurant de l’hôpital, les selfs des écoles et des maisons de retraite ou encore les cantines administratives. « La mise en réseau des producteurs et la structure d’une offre bien souvent insuffisante aujourd’hui pour fournir l’ensemble des restaurant scolaires est un vrai sujet » rebondit Stéphane Travers. Bien plus, à l’entendre, que le problème de la règlementation européenne qui peut être contourné plus facilement. « Demandez au premier ministre, qui a eu un mal fou à se procurer quotidiennement 26 000 yaourts auprès de producteurs laitiers normands pour ses restaurants scolaires du Havre. »

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