Alain Juppé
© T.Sanson/VilledeBordeaux
Dans un entretien accordé au Courrier des maires, le maire de Bordeaux et président de l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE) se prononce en faveur d’une redéfinition des politiques de cohésion, qu’il estime indispensable pour les territoires. Et met en cause la « critique systématique » de l’Europe venant, notamment, de la classe dirigeante britannique.
Le Courrier des maires. L’une des causes du Brexit est-elle la fracture entre des villes riches à l’économie ouverte et d’autres en déclin, avec une population fragilisée ?
Alain Juppé. A l’évidence. Mais il y a de nombreux autres facteurs, y compris la conséquence assez logique de la critique systématique déployée par une grande partie de la classe dirigeante britannique à l’égard de l’Union européenne, et ce depuis trop longtemps : comment dès lors ne pas s’étonner de la rupture avec les citoyens, notamment les plus fragilisés ?
Tout cela naturellement ne vaut d’ailleurs pas que pour le Royaume-Uni…
L’un des objectifs de l’Union européenne est d’aller dans le sens d’une cohésion économique, sociale et territoriale. Peut-on parler d’un échec de la politique européenne dans ce domaine ?
A. J. Il n’y a pas d’échec, bien au contraire : regardons objectivement le bilan ! Néanmoins, l’on ne peut que constater que ce bilan n’est pas valorisé, partagé avec les citoyens, d’où le fossé grandissant entre ces derniers et les institutions et le projet européen.
Une refondation s’impose à l’évidence. Il nous revient de construire un nouveau projet, ambitieux, capable de redonner l’envie d’Europe et de la rendre plus proche de ses citoyens.
Cela passera bien entendu par une redéfinition des politiques de cohésion dont les conséquences doivent être plus visibles dans la vie quotidienne des Européens et le développement de nos territoires.
Dans un autre sens, ne plus bénéficier de la politique structurelle européenne ne risque-t-il pas d’aggraver ces fractures ?
A. J. Nous en sommes persuadés. L’AFCCRE a toujours soutenu la politique structurelle, instrument essentiel de solidarité entre les territoires de l’Union. Il suffit de recenser toutes les réalisations menées dans ce cadre, et d’abord dans notre pays.
Nous ne pouvons cependant que constater que cette politique fait à ce jour l’objet d’une remise en cause, y compris par certains Etats… Soyons vigilants car les conséquences d’un abandon seraient dramatiques. Des politiques structurelles ambitieuses, justes et efficaces ont toute leur place dans l’Europe renouvelée que je préconise.
Nos territoires doivent être volontaristes, faire de la pédagogie et multiplier les échanges en valorisant le message européen”
Quel avenir pour les politiques de coopération transfrontalière et les nombreux projets impliquant des coopérations avec des collectivités du Royaume-Uni ?
A. J. La décision d’une majorité de britanniques de sortir de l’Union européenne ne peut être sans conséquence, notamment s’agissant des politiques de coopération soutenues par l’Union européenne.
De nombreux élus locaux britanniques et nos collègues des associations de collectivités territoriales du Royaume-Uni sont inquiets, et nous les comprenons.
Il va de soi que cela ne pourra remettre en cause la traditionnelle amitié entre Français et Britanniques, qui se manifeste par plus d’un millier de liens de jumelages et de partenariats – le Royaume-Uni est le deuxième pays partenaire de la France après l’Allemagne.
Comment les villes peuvent-elles participer à la poursuite du projet européen ?
A. J. Les territoires – les villes, les métropoles et intercommunalités, les départements et les régions – ont plus que jamais un rôle majeur à jouer dans l’écriture d’un nouveau chapitre du projet européen.
On accuse souvent l’Union européenne d’être pilotée par des institutions lointaines et non-démocratiques. Je crois que dans l’Europe de demain, nos territoires seront des relais politiques plus nécessaires que jamais pour faire vivre l’idéal européen au niveau local.
De par leur proximité aux citoyens, ils doivent être volontaristes, faire de la pédagogie et multiplier les échanges en valorisant le message européen. C’est la mission même de l’AFCCRE que de les y inciter : oui, il faut encore croire en l’Europe.
Jac Chuinard - 11/08/2016 20h:59
Très juste état des lieux et très belle vision de l'Europe !
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