Aéroport Charles-de-Gaulle, Roissy - Aéroports de Paris
© Adobe/Pavel Losevsky
Le premier Référendum d’initiative partagée (RIP) de la Ve République connaît un démarrage laborieux. Les électeurs désireux, depuis le 13 juin, de soutenir une proposition de loi empêchant la privatisation du groupe ADP (ex-Aéroports de Paris) rencontrent des difficultés sur le site web mis en place par le gouvernement. L’Etat a sollicité quelque 2 000 communes dans l’ensemble du pays pour participer à l’opération au niveau local. Mais, là encore, l’état d’impréparation du processus est flagrant.
« Je suis député, je vote depuis 25 ans à Amiens, et le site du gouvernement me répond quoi ? Non-inscrit sur les listes électorales. Vive la start-up nation ! » s’est emporté le parlementaire (La France insoumise) de la Somme François Ruffin, lundi 17 juin , sur Twitter. « Après 11 tentatives ce matin et 8 ce soir, j’ai enfin pu signer. Sauf à penser que la #startupnation soit restée à l’heure du Minitel, ces difficultés d’accès au site deviennent soupçonnables », avait déja fulminé, jeudi, son homologue (PCF) de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu.
Mis en ligne, le 13 juin, par le gouvernement, le site Internet consacré au Référendum d’initiative partagée (RIP), permettant aux électeurs d’apporter leur soutien à une proposition de loi affirmant « le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris », rendant, si elle était adoptée, la privatisation d’ADP de facto impossible, connaît des débuts laborieux. Les griefs se multiplient, notamment, sur les réseaux sociaux.
Surtout respecter l’e dans l’o
« Me voilà amené à faire du service après-vente », s’agace l’entrepreneur dans le numérique Valerio Motta. Ancien responsable du web au Parti socialiste (PS), il a élaboré le scrutin en ligne des primaires citoyennes de la gauche de 2011. « D’habitude, quand vous avez un problème avec une administration, elle vous accompagne sur les réseaux sociaux. Là, il n’y a aucune assistance. C’est consternant », s’agace-t-il. Et de lister les « mauvais choix de développement d’un site dont toute l’ergonomie semble avoir été conçue pour compliquer la vie de l’utilisateur. Comme la sensibilité de tous les champs impliquant une saisie comportant des accents, des tirets ou des virgules. » « Ne pas écrire Boulogne/Mer mais Boulogne-sur-Mer, ni Jean Pierre pour Jean-Pierre, ou Allemagne, si vous êtes né en RDA », énumère-t-il, à titre d’exemples. Ou encore l’impossibilité de trouver sa commune si le « e dans l’o » n’est pas strictement respecté. Comme dans Vandœuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle), Mœuvres (Nord) ou Cœuvres-et-Valsery (Aisne).
Le captcha, cet outil de sécurisation visant à s’assurer que vous n’êtes pas un robot, suscite aussi son indignation. « J’ai rarement vu un affichage aussi peu visible », observe-t-il ; « Pourquoi neuf caractères, bien plus que sur n’importe quel formulaire administratif ? De plus, l’assistance audio est peu efficiente », renchérit Stéphane Peu. Les deux hommes critiquent « un système qui place les gens dans des situations d’erreur ».
2 000 communes en back-office
Quelque 2 000 communes, la plus peuplée de chaque canton, ont été sollicitées par le gouvernement pour venir en aide aux citoyens ne parvenant pas à concrétiser leur soutien au RIP. Faute de disposer d’un ordinateur ou de parvenir à mener à bien la démarche. Dans le premier cas, un agent d’état-civil reportera sur le site gouvernemental les informations que l’électeur aura rédigées sur un formulaire Cerfa ; dans le second cas, il l’assistera pour compléter les champs sur le site Internet.
« Les collectivités concernées ont, pour la plupart, reçu la circulaire préfectorale tardivement et sans accompagnement », regrette Stéphane Peu, qui a obtenu du ministre de l’Intérieur « l’engagement qu’un texte plus précis leur serait adressé ».
« On demandera au préfet une séance de formation »
Au service des élections de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn, 9 200 habitants), on expliquait lundi « être en train de mettre en place un ordinateur et se préparer à habiliter des agents municipaux ». A celui de Soucy (Yonne, 1 600 habitants), la référente RIP confirme avoir reçu l’identifiant et le mot de passe pour accéder au site, mais ne pas encore avoir eu le temps de le tester. Même situation à Paris, en Mairie du 18è arrondissement.
Découvrant que sa commune est concernée par le dispositif, le maire (LR) de Blancs-Coteaux (Marne, 3 400 habitants), Pascal Perrot, assure que « le nécessaire sera fait pour accompagner les citoyens ». « J’ai des agents au top et on demandera au préfet de nous organiser une séance de formation », ajoute-t-il. En déplorant que « l’Etat lance des choses sans se soucier de comment ça va marcher au niveau local ».
« Tout est en place chez nous, et ce, depuis le lancement du RIP », explique, a contrario, le maire du 2e arrondissement de Paris, Jacques Boutault (EELV), dont le site Internet informe, dès la page d’accueil, les administrés sur les modalités du vote. Une démarche rarissime.
Une campagne mode d’emploi aurait été bienvenue
En Seine-Saint-Denis, des communes non concernées par le dispositif préfectoral ont pris l’initiative de s’y associer. Telle Villetaneuse (13 200 habitants). Stéphane Peu espère en voir d’autres, partout dans le pays. Il s’étonne que le gouvernement n’ait pas mené « au moins une campagne d’information civique, genre mode d’emploi, sachant que ce RIP est une première dans l’histoire de la Ve République. C’est l’une des vingt demandes qu’on a transmises au ministre de l’Intérieur, et il a dit non. » « On ne peut pas dire que ce référendum ait été organisé avec un grand entrain », euphémise-t-il.
Valerio Motta, qui, « bien que geek, a dû s’y reprendre à trois fois », ne croit pas aux explications du ministère de l’Intérieur, dont le secrétaire général adjoint, Alain Espinasse, a justifié les bugs par l’ancienneté du site, conçu en 2014/2015, par conséquent, « moins ergonomique qu’on pourrait le souhaiter ». « Il a été lancé sans avoir été vérifié, testé sur un panel, alors que le gouvernement en avait les moyens financiers et le temps, rétorque Valerio Motta. Il doit pouvoir accueillir, potentiellement, l’ensemble du corps électoral français, soit plus de 47 millions de personnes. Or, il ne respecte, par exemple, pas les critères requis pour les personnes handicapées. Et les mentions légales ne sont même pas à jour. »
Le gouvernement s’est engagé à l’améliorer. Les opérations de vote seront closes le 12 mars 2020.
Cathe - 18/06/2019 20h:09
Normal les geeks qui créent des usines à gaz sont très forts pour les vendre mais peu enclins à vous aider à gérer les sites !!!!
Répondre au commentaire | Signaler un abus