Accueil des réfugiés : mobilisées, les collectivités s'inquiètent de la mise en œuvre concrète du plan du gouvernement

Accueil des réfugiés : mobilisées, les collectivités s'inquiètent de la mise en œuvre concrète du plan du gouvernement

Table ronde sur l'accueil des réfugiés : les représentants de l’Etat, Kléber Arhoul et Pierre-Antoine Molina, et Jean-Marie-Bockel (de g. à dr.)

© Sénat/C.Lerouge

Une table ronde sur l'accueil des réfugiés était organisée, jeudi 1er octobre au Sénat. L'occasion pour les associations d'élus présentes d'évoquer les paramètres qui, faute d'une bonne prise en compte, pourraient mener à un échec.

Une table ronde sur l'accueil des réfugiés était organisée, jeudi 1er octobre au Sénat par sa délégation aux collectivités locales. Son président, Jean-Marie Bockel, avait invité des représentants de l'Etat et des associations d'élus à participer aux échanges. L'occasion, pour les élus, de faire part de leurs inquiétudes quant à la mise en œuvre concrète du plan qui vise à accueillir, en deux ans, un peu plus de 30 000 réfugiés, dans le cadre des engagements européens de la France.

En préambule de leurs interventions, aucun représentant d'association n'a omis de rappeler l'engagement républicain des élus locaux dans ce mouvement de solidarité.

Le représentant de l'APVF, le maire de Montlouis-sur-Loire, Vincent Morette, en a même profité pour redire le caractère inacceptable de la tentation du tri des réfugiés sur la base de la confession religieuse, demande formulée par quelques élus dispersés mais très médiatisés.

Le point sur les moyens

La question des moyens a été particulièrement développée par le président du département de Seine-et-Marne, Jean-Jacques Barbaux, représentant l'ADF et par le directeur de la cohésion sociale et développement urbain de l'AMGVF, Emmanuel Heyraud.

« A l'instant où les réfugiés sont admis à rester, explique l'élu, ils quittent le dispositif d'accompagnement des demandeurs d'asile((Ce dispositif prévoit un hébergement le plus souvent en centre d'hébergement de demandeurs d'asiles (Cada), un accompagnement administratif, une allocation et couverture santé.)). Ils ont le droit de travailler, de percevoir les prestations familiales mais aussi le RSA, etc », a rappelé le président de Seine-et-Marne.

L'élu estime à 150 millions le coût potentiel supplémentaire du RSA pour ces nouveaux foyers. Quelle compensation de l'Etat recevront les départements pour le versement de ces aides et pour l’accompagnement de ces nouveaux bénéficiaires dans le cadre de leurs compétences d'action sociale ? « La mention de la place des départements dans le dispositif est ténue, voire invisible, constate Jean-Jacques Barbaux. Nous voulons être associés pleinement aux décisions ».

Pour l'AMGVF, la même question : si l'Etat s'est engagé à verser aux communes 1 000 euros par réfugié pris en charge sur leur territoire dans le cadre du dispositif de demande d'asile, quid des frais engendrés par la scolarisation et l'accompagnement ultérieur dans l'intégration des ces nouveaux arrivants ?

Une capacité d’accueil national surestimée ?

Emmanuel Heyraud considère par ailleurs que la capacité d'accueil nationale a été sur-estimée à double titre. « Le nombre de réfugiés à accueillir sera probablement plus important que prévu tandis que le système d'hébergement des demandeurs d'asile souffre déjà d'embolie ».

Valérie Létard qui représentait à la fois l'AMF et l'AdCF, a longuement insisté sur ce dernier point. « Nous sommes en difficulté pour faire sortir des Cada et autres hébergements les demandeurs déboutés par l'Ofpra puis par la commission de recours. Il ne s'agit pas de stigmatiser ces personnes qui se retrouvent en situation irrégulière après parfois 2 ans, 3 ans voire 4 ans sur le territoire. Il faut agir rapidement pour que désormais, elles soient accompagnées dignement vers le retour ».

Mais l'élue coauteur par ailleurs d'un rapport, en novembre 2013, sur la réforme du droit d'asile, estime qu'il faut pour cela modifier l'organisation de l'Ofpra « qui devrait pouvoir expérimenter l'envoi d'équipe “territorialisée” sur le terrain. Ce serait moins coûteux, plus efficace et garantirait une meilleure répartition des demandeurs sur le territoire » qui doivent rester à proximité des centres d'instruction de l'Ofpra, en Ile-de-France, à Toulouse et Lyon.

Inégalité des territoires devant… l'accueil

Des inquiétudes se sont fait entendre par ailleurs sur la mise en œuvre elle-même du plan d'accueil des réfugiés. Parmi les revendications : le volontariat des communes et une répartition tenant compte les situations socio-économiques, les efforts déjà consentis, la démographie, la localisation, la capacité de prise en charge des détresse psychologiques, voire psychiatriques… des territoires.

« Tous ne sont pas égaux, a expliqué Valérie Létard. Ils ont plus ou moins de quartiers en politique de la ville. Certaines ont déjà des Cada... Un diagnostic à l'échelle nationale puis à l'échelle locale est primordial. Il s'agit de ne pas ajouter de la souffrance à la souffrance des Français ». Un point de vue partagé par tous les intervenants pour qui la notion d'acceptabilité par les habitants est une condition de la réussite de l'accueil et de l'intégration ultérieure.

Le coordinateur national : « Pas de réussite durable sans dialogue préalable »

Interpellé par toutes ces questions, le préfet Kléber Arhoul, nommé début septembre comme coordinateur national pour l'accueil des réfugiés, a souhaité rassurer les élus en présence.

Les collectivités auront un interlocuteur dans chaque département, en la personne du préfet chargé de la coordination locale, en lien avec la nationale. Il a conseillé aux collectivités de se doter elles-mêmes d'un coordinateur, pour favoriser la co-construction territoriale.

« Dans ce dialogue que j'ai avec notamment les grandes associations d'élus, tout peut se dire, a-t-il insisté. Il n'y aura pas de réussite durable de l'installation des réfugiés sans ce dialogue préalable ».

S’armer de patience

Les élus veulent y croire, même le maire de Montlouis-sur-Loire (11 500 habitants) dont la commune a réservé trois hébergements pour des familles de réfugiés, après un débat en conseil municipal et un vote à l'unanimité.

Lui a déjà nommé un coordinateur local. Mais il désespère qu'une réunion de travail soit enfin organisée à l'échelle du département alors que les élus locaux ont appris dans la presse locale que 30 réfugiés pourraient arriver sur leur territoire.

« Les engagements de l'Etat sont en train de se mettre en place », a insisté Pierre-Antoine Molina, directeur général des étrangers en France. Une manière de dire : un peu de patience, encore.

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS