François Baroin et Edouard Philippe en clôture du Congrès des maires le 22 novembre 2018
Alors que trois grands projets de loi sont actuellement en discussion au Parlement (« Engagement et Proximité », « Économie circulaire » et « PLF 2020 ») l’association des maires de France (AMF) a pointé, mardi 15 octobre lors d’une conférence de presse, les désaccords persistants avec le gouvernement. Une manière, à un mois maintenant du Congrès des maires, de mettre la pression sur l’exécutif.
Dans quelques semaines, Emmanuel Macron se présentera devant les maires réunis en Congrès à la Porte de Versailles. Après deux années de tension suivies d’un dégel post-crise Gilets jaunes, le rendez-vous est évidemment important pour l’exécutif, et pour le Président de la République tout particulièrement.
« Emmanuel Macron est évidemment chez lui, mais nous avons besoin qu’il clarifie les rôles de l’État et des collectivités territoriales, les deux poutres faîtières de notre République » avance le Président de l’AMF, François Baroin. « Nous l’accueillerons de manière républicaine, mais nous avons nos exigences » enchaîne le vice-Président, André Laignel.
Car, une fois n'est pas coutume, le compte n’y est pas à entendre les représentants des élus communaux ! Objet de leur colère : les deux projets de loi en discussion en ce moment au Parlement (« Engagement et Proximité » et « Économie circulaire ») mais aussi le PLF 2020, et notamment les questions liées aux compensations financières suite à la suppression de la Taxe d’Habitation (TH).
- Projet de loi Lecornu « Engagement et Proximité » :
Pour l’AMF, si 70% du texte va dans le bon sens, quelques points « noirs » demeurent. « Sur la question des indemnités par exemple, détaille François Baroin, nous saluons la mise en place d’un barème unique pour les communes de moins de 3500 habitants, mais nous regrettons que l’État ne respecte pas ses engagements initiaux qui consistaient à prendre à sa charge l’enveloppe budgétaire correspondant. Car dans beaucoup de petites communes, il ne sera pas possible d’augmenter les indemnités des maires ».
« Le gouvernement s’arrête au milieu du chemin » se désole le maire de Issoudun, André Laignel « il y a des avancées mais sur des sujets aussi centraux que la formation ou la valorisation des acquis, il n’y a rien ».
Quant au futur projet de loi « 3D » qui sera porté en début d'année prochaine par Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des Territoires, le Président de l’AMF attend d’ailleurs une « clarification » du rôle de la commune et de l’intercommunalité : « il faut réduire le nombre de compétences obligatoires, supprimer les compétences optionnelles, et en finir avec le feuilleton de la compétence Eau et Assainissement ».
- Projet de loi « Économie Circulaire » :
Dans le PJL porté par la secrétaire d’État, Brune Poirson, l’AMF – tout comme l’association AMORCE (Association de collectivités, gestion des déchets, réseaux de chaleurs, gestion locale de l'énergie) – s’oppose à la « consigne ».
Pour les représentants des maires de France, cette « privatisation de la collecte des plastiques au profit des producteurs et des distributeurs » risque surtout de déstabiliser les filières locales de recyclage, et ce sans répondre réellement aux enjeux. Philippe Laurent, secrétaire général de l’association et maire de Sceaux, dénonce d’ailleurs le lobbying « de certains grands groupes industriels » qui, par l’intermédiaire de la « consigne », verdiraient leur image.
- PLF 2020 et compensation de la Taxe d’Habitation :
Quant au Projet de Loi de Finances (PLF) 2020, l’AMF dénonce le « siphonnage » de près de 400 millions d’euros sur les dotations dédiées collectivités locales mais aussi la tentation constante du gouvernement de revenir sur ses engagements d’une compensation de la TH à l’euro près.
« Nous avons un problème d’écoute et de fiabilité du gouvernement sur la question de la Taxe d’Habitation » a tancé François Baroin. « Le jeu préféré du gouvernement semble être le bonneteau, une main cachant en permanence ce que l’autre fait dans la réalité » a renchéri André Laignel. En cause ici, le gel - prévu initialement dans le projet de loi - des bases locatives. Coût estimé pour les collectivités : 250 millions d’euros. La mobilisation du bloc local a permis de réduire la perte (pour les collectivités) à 100 millions d’euros avec une actualisation des bases de 0,9% (toujours en deçà de l’inflation). Autre ponction gouvernementale : celle opérée via les taux compensés qui seront ceux de 2017 et qui ne tiendront donc pas compte des hausses intervenues en 2018 et 2019.
L’AMF pointe également la baisse d’une série de dotations, comme la Dotation de compensation de la réforme de la TP (DCRTP), censée compenser la perte de la taxe professionnelle. « Cette compensation avait été sanctuarisée par les gouvernements précédents, il est intéressant de voir que le gouvernement défait ce qui a été fait » a fait remarquer André Laignel, qui dénonce justement l’absence totale d’études d’impact sur les conséquences qu’aura la suppression de la TH sur près de 23 dotations (11 concernent les départements, 12 les communes). « Comme on dit chez moi, pour les parlementaires, cela revient à acheter un lièvre en sac [à l’aveugle] » image-t-il.