A Perpignan, des médiateurs tissent des liens avec les personnes errantes

Dans le Puy-de-Dôme, avec le service d'accueil et d'orientation, mais aussi à l'échelle de grandes villes, comme Perpignan, collectivités territoriales et acteurs sociaux cherchent les solutions adaptées à une population errante ou en déshérence. La rencontre des personnes est primordiale pour les aider à sortir de la précarité et pour élaborer, avec eux, des parcours résidentiels.

A Perpignan (Pyrénées-Orientales), la nuit peut être froide. Le 11 janvier 2010, elle avoisine 0 °C. Béatrice Hernandez et Jean-Marc Heitz chargent leur voiture d'une demi-douzaine d'épais sacs de couchage qu'ils distribueront au cours de leur maraude. La nuit tombée, première étape : vérifier que personne ne reste dehors, dans le froid. Une encoignure de porte, rue Fontaine-Saint-Martin, sous un pont. Personne, seulement un barda abandonné.
La ronde effectuée par les deux médiateurs de rue, dans l'après-midi, a porté ses fruits. Tout le monde est à l'abri. « Nous tentons de convaincre les personnes d'aller vers une structure d'hébergement », explique Béatrice Hernandez. Tâche délicate. « Il faut faire tomber les peurs. C'est parfois impossible. » Telle cette femme d'une quarantaine d'années, qui vit dans les champs et ne demande jamais rien. « Ces personnes se sont constitué leur vie. Il serait plus dangereux de les en faire sortir. Et pour leur proposer quoi ? » Une situation que les services sociaux ne comprennent pas toujours, tant le chiffre prime. « Un médiateur ne doit pas projeter son projet sur la personne en difficulté, car il va porter celle-ci à bout de bras et finalement tout va lâcher parce qu'elle ne se reconnaît pas dans le projet. Ça peut être très difficile à vivre », reconnaît Jean-Marc Heitz pour qui la première violence est souvent institutionnelle.

Rencontrer les personnes

L'« équipe mobile » de Perpignan est quasi unique en France. Elle dépend bien de l'association Solidarité 66. Mais son rôle étant de rencontrer et suivre toutes les personnes en difficulté, les deux médiateurs se rendent aussi bien dans les structures de la Croix-Rouge ou d'autres associations qu'à l'hôpital, dans les squats ou chez les privés. Ils assurent également le lien entre la mairie, le conseil général, les associations, la préfecture, les pompiers. « Nous voyons tout de qui ne va pas », estime Béatrice Hernandez. « Ce sont des électrons libres », ajoute Corinne Marsaa-Poey, directrice de Solidarité 66.

De Coralie, jeune femme de 25 ans, les deux médiateurs savent quasiment tout. Son accident, à 16 ans. Sa rupture scolaire et familiale. Son errance avec des Polonais, sa vie en camion. Son retour, ses relations complexes avec sa famille. Et surtout son grand rêve : passer son permis et devenir cariste. Pour y parvenir, elle a posé sa petite caravane, non loin d'un squat polonais, avec télé, réchaud gaz et rat en cage. Touchés par ses rêves, sa détermination et sa fragilité, Béatrice et Jean-Marc veillent sur elle, la suivent dans ses démarches, soutiennent ses projets.

A l'autre bout de Perpignan, nouvelle halte. Une demi-douzaine de caravanes et des tentes se distinguent dans l'obscurité. On s'approche et la vie jaillit. Hommes, femmes, quelques enfants. Des Roms de Roumanie, à Perpignan depuis 2007. Les médiateurs encouragent les femmes à apprendre le français. Un référé de la ville visait à les expulser du terrain, aux ordures jamais ramassées, sans eau courante - il faut la puiser dans le cimetière. Le tribunal a donné raison aux Roms et leur a permis de rester jusqu'à ce que la ville leur propose un autre site.

Traiter l'errance

Perpignan compte environ 350 SDF. « Nous sommes une plaque tournante entre l'Espagne et l'Italie, sur la route du soleil », explique Corinne Marsaa-Poey

En douceur, les médiateurs traitent la problématique de l'errance. Abordant les personnes dans la rue, de façon informelle et sans les solliciter. Amorçant un dialogue, un travail d'accompagnement, l'expression, peut-être, d'un projet de vie. Au cœur des dispositifs, ils peuvent ensuite les orienter vers les structures les mieux adaptées. « L'enjeu est que les personnes dans la rue ne soient pas obligées de faire le tour de la ville pour trouver quelqu'un qui réponde à leurs questions », explique la directrice.

M. Nicolas est l'une des fiertés des médiateurs. Réfugié dans une caravane pendant plusieurs années, avec 10 chats, sans lien avec sa famille, il loue aujourd'hui un petit appartement dans une maison individuelle, fait du vélo et joue aux échecs.

Martine Kis
Deuxième partie du dossier "L'hébergement des personnes sans abri", "le Courrier des maires",  mars 2010

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