Dominique Bussereau, président de l'ADF, au congrès 2017 des départements à Marseille, aux côtés de Gérard Larcher, président du Sénat, et Martine Vassal, présidente des Bouches-du-Rhône
Au-delà des doléances financières persistantes sur le reste-à-charge des Allocations individuelles de solidarité et le fardeau grandissant du coût des mineurs étrangers isolés, les patrons d’exécutifs départementaux réunis à Marseille du 18 au 20 octobre pour leur congrès ont tous fait état de leur crainte d’une recentralisation latente et d’une perte d’autonomie des collectivités. Encadrement budgétaire et fusions imposées sont particulièrement craints des exécutifs départementaux.
Les dernières élections sénatoriales avaient marqué une petite revanche de l’« ancien monde » sur le « nouveau » prôné par Emmanuel Macron. Le congrès des départements de France (ADF) qui s’est ouvert le 18 octobre à Marseille a donné à voir la résistance persistante des élus aux réformes voulues par l’exécutif. « La conquête du Nouveau Monde fut un terrain de magnifiques épopées… mais aussi de cruelles désillusions », a alerté le patron de l’Aude et du groupe de gauche à l’ADF, André Viola. Président du Sénat, Gérard Larcher préférait lui citer Mirabeau qui voulait 'rapprocher l'administration des hommes et des choses, et d'y admettre un plus grand concours de citoyens.' Je ne sais pas si c’était l’ancien ou le nouveau monde, mais c’était le renouveau de la démocratie. Et que ce renouveau a commencé avec deux structures : les communes et les départements ! »
Le ton était donné : les départements ne comptent pas disparaître de la carte, encore moins au profit des métropoles, « qu’on a multipliées comme avant les pôles de compétitivité. On arrive à une définition d'une métropole qui s’éloigne singulièrement de la définition européenne. Si chacun veut être métropole, je réclame que Rambouillet soit métropole…. Il faut garder raison ! », a conjuré l'élu (LR) des Yvelines. François Sauvadet (Côtes-d'Or, UDI) est même allé plus loin, vilipendant le "contre-exemple lyonnais" et sa métropole collectivité spécifique... pourtant mis en avant quelques jours plus tôt par la Cour des comptes.
La Constitution invoquée contre la reconcentration
Reste que la menace pour l’institution départementale aujourd’hui ne serait plus uniquement celle des 22 métropoles mais aussi de l’Etat, que les élus départementaux vivent comme de plus en plus intrusif depuis l’installation du nouvel exécutif. Hier, c’était la loi Notre qui était en cause, une loi « qui n’est pas une loi de décentralisation, est parfois une loi de reconcentration : c’est le préfet qui signe le schéma régional d’aménagement du territoire ! », peste le patron de l’ADF, Dominique Bussereau.
Aujourd’hui, ce sont les contrats que le Gouvernement veut signer avec les 319 plus grandes collectivités pour limiter leurs dépenses de fonctionnement à +1,2%. « On touche à la limite de l’article 72 de la constitution : est-il légitime qu’un président d’exécutif signe un contrat d’encadrement sur son budget ? », s’interroge le président de Charente-Martime. « Il ne faut pas passer par pertes et profits l’article 72 de la Constitution, y compris sur la gestion des personnels ! », a renchéri Gérard Larcher. Même procès en recentralisation lancé par le successeur de Benoit Huré -qui a quitté la présidence des Ardennes, non-cumul oblige – à la te^te du groupe DCI, François Sauvadet , craignant que « ces contrats ne se transforment en diktats ».
Des contrats budgétaires repoussés, quel que soit le plafond
D’autant que le plafond semble bien bas aux patrons de départements : « A 1,2%, avec une inflation à 1%, l’augmentation de la masse salariale, le GVT, le coût des mineurs non accompagnés si le problème n’est pas réglé et les allocations individuelles de solidarité : ça ne rentre pas malgré les chausse-pieds bercyesques ! » a osé Dominique Bussereau en égratignant les services du ministère des Finances.
Opposition plus virulente encore d’André Viola, exprimant « son opposition frontale à toute intervention de l’Etat dans l’élaboration et l’exécution du budget. La logique d’une contractualisation avec l’Etat et d’un taux directeur d’évolution de nos dépenses de fonctionnement de 1,2% ou même 1,4%, fleur qu’on ferait aux départements, sont simplement inacceptables », a-t-il tonné.
Seules les fusions volontaires sont légitimes pour l'ADF
Résultat : le « Nouveau monde » a réussi à faire l’unanimité de l’ADF contre lui, ce qui a pris la forme d’une motion commune publié dès le matin de la deuxième journée du congrès, pour mieux mettre la pression sur les différents ministres intervenant l’après-midi – Jacques Mézard, Jacqueline Gourault – et plus encore sur le Premier ministre Edouard Philippe, vendredi midi. L’ADF y réclame à l’Etat qu’il « respecte la libre administration des collectivités, principe constitutionnel de notre République décentralisée, et renforce l’autonomie financière et fiscale des Départements ».
Autre doléance : « que l’Etat reconnaisse la remarquable capacité d’innovation des départements en assouplissant la loi Notre et en ouvrant davantage le recours à l’expérimentation sans remettre en cause l’équilibre territorial institutionnel ». Quant aux évolutions institutionnelles, elles « devront alors faire l’objet de délibérations conjointes entre les collectivités concernées ». Que l’Etat « accompagne les projets de mutualisation et de fusion des collectivités uniquement quand ils sont issus d’une volonté partagée de l’ensemble des acteurs ! », a explicité André Viola.
Le ministre Mézard silencieux sur la métropole du Grand Paris
A cette occasion, le patron de l’ADF, Dominique Bussereau, a exprimé sa solidarité avec les départements de la petite couronne parisienne qui sont vent debout contre le projet du chef de l’Etat de les diluer dans une métropole du Grand Paris élargie. « Le Gouvernement et le président de la République n’entendent pas imposer de fusions », a voulu rassurer en réponse Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires. Sans préciser s’il intégrait le cas parisien, piloté directement par l’Elysée…