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© Olivier Ramonteu
Après le lancement d’une nouvelle émission de 500 millions d’euros début 2016, l’Agence France locale projette 700 millions de prêts cette année au bénéfice de ses 147 collectivités membres et ambitionne d’élargir rapidement le nombre de ses adhérents. Deux objectifs affichés lors de la première « journée » de l’Agence qui s’est tenue à Lyon le 19 mai, et auxquels la secrétaire d’Etat aux collectivités locales, Estelle Grelier, est venue apporter son soutien.
147 collectivités adhérentes, 104 prêts distribués pour un montant total de 600 millions d’euros : à l’heure de tenir sa première « journée » à l’occasion de son assemblée générale à Lyon le 19 mai, l’Agence France locale a affiché bien haut des chiffres qu’elle juge satisfaisants après 14 mois d’exercice. « Sur un an, l’agence a atteint 3% du marché du financement aux collectivités, se réjouit Yves Millardet, président du directoire de l’agence. L’objectif reste 25% du marché à l’horizon de 10 ans. »
Alors qu'elle avait levé 750 millions à son ouverture, une nouvelle levée de fonds a récemment permis d’obtenir 500 millions. Au-delà de l’objectif de 700 millions de prêts d’ici la fin de l’année, s’ouvre désormais « la deuxième phase du lancement de l’agence » selon Yves Millardet, autour de trois objectifs :
- « amener la société à l’équilibre »,
- « faire grossir le portefeuille de crédit de l’agence »,
- et bien sûr « continuer à avoir beaucoup de collectivités entrant au capital ».
Contrairement à la part de marché de la dette locale visée, l’agence ne se fixe aucune limite en termes de nombre d'adhérents et compte bien séduire « à terme, toutes les collectivités dont la situation financière le permet, soit 95 à 96% d’entre elles », ambitionne Olivier Landel, directeur général de l’Agence.
Des prêts aux grandes agglos comme au "Petit Poucet"
A ce jour essentiellement composé de communes et intercommunalités – on compte une région et cinq départements –, le club des membres est donc appelé à s’étoffer, y compris auprès des petites collectivités qui ont vu le ticket d’entrée de 3 000 euros supprimé en début d’année. Et il compte bien, pour ce faire, sur la « publicité » faite par les actuels adhérents.
« Nous avons fait appel à l’agence en 2015. Ce qui nous a plu : le contact beaucoup plus personnel, la facilité des discussions. Et le fait d’avoir les mêmes possibilités que les grandes collectivités », est ainsi venu témoigner Philippe Maisonnas, premier adjoint de Thil (1 100 habitants, dans l’Ain). « Le besoin était là : les banquiers ne jouaient pas leur rôle : on voulait renégocier nos prêts mais ils ne baissaient pas leurs taux. Or, le petit Poucet, il sait aussi compter ! », s’emporte-t-il.
[caption id="attachment_62063" align="alignleft" width="300"] Gérard Collomb, président de la métropole de Lyon et co-président du directoire de l'Agence France locale.[/caption]
A l’autre extrémité de la chaîne, de grandes agglomérations ont aussi fait le choix de solliciter l’agence, à l’image – et c’est assez logique – de la ville et de la métropole de Lyon, dont le président Gérard Collomb est aussi co-président du conseil d’orientation de l’AFL.
« Un certain nombre d’établissements bancaires, même si leurs taux sont bas, ont tendance à se rattraper sur les marges, regrette-t-il. Et d’évoquer le dernier financement sollicité, pour le métro lyonnais. « Quatre banques et l’AFL ont répondu et c’est l’AFL qui a présenté le meilleur taux, de 0,55% inférieur, pour 40 millions d’euros. Cela amène les banques à faire des offres plus basses », se réjouit-il.
L'agence souvent mieux-disante que l'offre bancaire privée
D’autres grandes villes sont venues relater leur « expérience » de premier prêt avec l’Agence.
Ainsi, alors que l’Eurométropole de Strasbourg a adhéré à l’Agence par soucis de « mutualisation et de diversification des fonds » rappelle Caroline Barrière, vice-présidente de la métropole alsacienne, les faits lui ont donné raison. « Sur les 70 millions empruntés en 2015, 50 millions l’ont été auprès de l’Agence » qui s’est révélée à chaque fois la mieux-disante : « 16 points de mieux que la meilleure offre derrière et 33 points de mieux que la moyenne des offres proposées ».
Même retour positif de la ville de Clermont-Ferrand qui n’avait « pourtant pas de problème d’offre bancaire » lors de son adhésion en février 2014, dixit son adjointe aux finances, Françoise Nouhen. « Par contre nous faisions face à une dégradation de nos ratios et à des taux devenant assez fluctuants ». Conclusion de la démarche : « A chaque emprunt, il y a eu mise en concurrence. Les taux de l’Agence se sont révélés intéressants, compétitifs », conclut-elle.
L'Agence veut recruter dans toutes les strates de collectivités
L’AFL compte donc bien recruter de nouveaux membres pour étoffer le "club" des actuelles 147 collectivités adhérentes, malgré un contexte moins favorable, à l’heure où les taux des crédits proposés par les banques privées n’ont jamais été aussi bas.
Mais aussi parce que "depuis la naissance de l’agence, l’époque n’a pas été facile pour attirer de nouveaux membres : il y a eu les élections municipales, puis régionales, rappelle Gérard Collomb. Désormais, les nouveaux exécutifs sont en place et vont pouvoir prendre leurs décisions », espère le maire de Lyon. Qui estime toutefois que « peut-être encore six mois sont nécessaires » pour les régions dont les exécutifs ont moins de cinq mois.
Quand aux départements, seule la Meuse a adhéré depuis les dernières élections départementales de mars 2015, portant le total des départements adhérents à cinq.
Entre effets ciseaux de leurs recettes et dépenses et problématique de financement de leurs dépenses de fonctionnement liées aux allocations de solidarité, principalement le RSA, les conseils départementaux ont eu manifestement d'autre dossiers prioritaires en matière budgétaire...
Des attentes nouvelles pour les membres
L’agence pourrait aussi s’avérer plus attractive encore en répondant à certaines « attentes sur les lignes de trésorerie, la phase de mobilisation des fonds », évoque Caroline Barrière.
Echo similaire de Clermont-Ferrand : « La période assez courte de mobilisation des fonds, plus restreinte par rapport à certains acteurs bancaires, fait que c’est un peu plus compliqué. Peut-être y a-t-il un travail à faire sur ces délais, qui nous permettrait de mobiliser uniquement ce dont on a besoin au moment où on en a besoin », confirme Françoise Nouhen.
Par ailleurs, les exécutifs locaux désireux d’adhérer à l’agence devront eux-mêmes convaincre leur assemblée délibérante : « Nous avons eu du mal à faire comprendre les objectifs de l’adhésion à l’AFL. Les élus ne comprenaient pas pourquoi il fallait mettre au pot pour emprunter… », se rappelle l’élue de Clermont.
De manière similaire, Caroline Barrière souligne ce qui pourrait apparaître comme l’un des points faibles de l’agence : « Les fonds bloqués pendant dix ans. Dans l’idéal, nous aurions pu les utiliser pour investir, souligne-t-elle. Mais cela reste une contrepartie importante pour la solidité de l’Agence. Et s’il s’agit d’un type d’investissement individuellement contraignant, il est collectivement bénéfique ».
Ainsi, l’agence se targue de « libérer pour ces collectivités de la capacité d’autofinancement et donc d’investissement », sur « chaque euro gagné par le recours à notre agence, via les intérêts versés », rappelait ainsi Yves Millardet dans un récent entretien au Courrier des maires.
L’agence en appui de l’investissement local… malgré le contexte
[caption id="attachment_62061" align="alignleft" width="300"] La secrétaire d'Etat aux collectivités, Estelle Grelier, aux côtés du maire de Lyon, Gérard Collomb et du président de l'Agence France Locale, Yves Millardet.[/caption]
Une mission de financement des investissements que la secrétaire d’Etat aux Collectivités territoriales, Estelle Grelier, est venue soutenir à Lyon en conclusion de la journée de travaux. « L’AFL partage le même objectif que le gouvernement : que les collectivités disposent de leviers de développement », a-t-elle lancé à l’assistance.
Sans pour autant éluder le rôle en retrait de l’Etat en la matière, en pleine baisse des dotations.« Nous sommes parfaitement conscients des craintes exprimées par les élus. Il est vrai qu’en 2015, l’investissement public a baissé. Mais les mesures de soutien du fonds pour l’investissement augurent de franches réussites. »
A ses côtés, le maire de Lyon évoquait lui, même pour ses deux collectivités – ville de Lyon et métropole – à l’importante surface financière, des difficultés certaines. « La baisse des dotations impacte nos budgets. Cela impacte aussi l’investissement. Un certain nombre de projets, s’ils n’ont pas été remis en cause, sont faits différemment ». Et le sénateur-maire de rappeler qu’il avait du « reporter » certains investissements depuis 2015.
L’incertaine relance du deuxième semestre 2016
Mais quid de 2016 alors que la Banque Postale annonce une stabilisation de l’investissement local après deux années de nette baisse ? La secrétaire d’Etat se veut prudente. A moyen terme, Estelle Grelier évoque bien un élément positif, « l’effet masse en œuvre, dans la réforme territoriale, des grandes régions et des intercos fusionnées au 1er janvier 2017 : d’où un regard sur leurs projets à une autre échelle ».
Mais l’ancienne patronne de la communauté de communes de Fécamp, devenue depuis communauté d’agglo, insiste aussi sur le temps de latence nécessaire à la relance de l’investissement intercommunal : « Quand vous êtes président d’intercommunalité, les investissements structurants ne sont pas engagés en 2016. C’est un impact que nous percevons. »