Limitation de la vitesse à 80 km/h
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Alors que le Président de la République laisse désormais la porte entrouverte à « un dialogue territorial » pour trouver des « solutions intelligentes et mieux acceptées » sur les limitations de vitesse sur les routes, la question de savoir s’il faut revenir ou non sur cette mesure-phare du quinquennat fait débat chez les patrons des départements.
Dissonant. D’un côté, le chef de l’État qui tente de renouer les fils d’un dialogue distendu avec les élus locaux et qui n’hésite pas à « mettre sur la table » la possibilité d’amender localement la « mesure-totem » des 80 km/heure. De l’autre le chef de gouvernement – à l’initiative de cette limitation de vitesse sur les routes – qui, sans revenir sur la parole présidentielle, se réjouit de la baisse historique constatée de la mortalité sur les routes depuis la mise en place de la mesure tant décriée, mettant ainsi les « patrons de département face à leurs responsabilités ». Une fois de plus, la communication de l’exécutif autour du « 80 km /heure » aura permis de faire l’unanimité … contre elle !
Des chiffres contestés et des causes non traitées
En effet, pour la plupart des présidents de département, cette limitation de vitesse à 80 km/heure n’est jamais vraiment passée. « Cette décision est typique de celles prises depuis Paris par des gens qui ne prennent que le métro et/ou qui n’ont jamais l’opportunité de rouler à plus de 80km/h » s’agace André Accary, président (LR) de la Saône-et-Loire, un département qui compte plus de 5 000 km de routes départementales et se voit directement impacté par la mesure. « C’est un scandale de voir des décisions prises comme cela sans concertation » s'agace-t-il. Pour François Goulard (Objectif France, ex-LR), à la tête du Morbihan, le constat est clair : « même si sur quelques dizaines de kilomètres parcourus, le temps perdu avec cette limitation de vitesse est finalement moindre, l’impact psychologique a été énorme chez les gens. Ils ont vécu cela comme une norme, une obligation, voire un ‘emmerdement’ de plus venu de Paris ». De son côté, Jean-Yves Gouttebel (PRG), à la tête du Puy-de-Dôme, pointe également le non-sens d’une mesure uniforme : « dans mon département, sur certaines routes, vous ne pouvez même pas atteindre 80km/heure, tellement c’est sinueux et dangereux. Alors appliquer 80 km/ heure, ça ne veut rien dire ! »
Aussi, la plupart de ces élus n’ont pas spécialement apprécié la « sortie » du Premier ministre la semaine dernière, où chiffres de la sécurité routière en main, il démontrait les bienfaits de cette baisse de vitesse avec « 116 vies épargnées ». « Nous avons trop peu de recul pour juger réellement de l’efficacité de la mesure, car d’autres facteurs, comme le temps, le climat, peuvent aussi influer sur la mortalité routière », estime François Goulard. Même sentiment chez le président (UDI) de la Mayenne, Olivier Richefou, qui a par ailleurs été « choqué » de la façon dont « le Premier ministre a montré du doigt par avance les départements en disant ‘s’il y a plus de morts sur les routes, ce sera de votre faute’. C’est blessant et irresponsable ».
Du côté de la Saône-et-Loire, André Accary note que l’écrasante majorité des accidents mortels de son territoire ne sont pas causés pas par la vitesse mais par les addictions (alcool, drogues, médicaments) « qui elles ne sont jamais traitées par l’État » !
70, 80 ou 90km/h , l'hypothèse du cas par cas
Quant à la « responsabilité » engagée des présidents de départements s’ils venaient à repasser à 90 km/heure, tous rappellent qu’ils la portent déjà et qu’ils n’hésitent pas à abaisser la vitesse sur certains tronçons considérés comme accidentogènes. Le président de Saône-et-Loire souhaiterait d'ailleurs que le chef de l'Etat aille au bout de sa proposition et redonne la main aux élus « qui ont cette connaissance du territoire. Nous pouvons vraiment apporter quelque chose, nous sommes de bonne volonté, et il faut nous faire confiance. Et je peux vous dire que sur certains tronçons de mon département, ça n’a pas de sens de rouler à 80hm/h car vous avez des voitures qui poussent, et c’est même dangereux ». Jean-Yves Gouttebel, qui dirige un département montagneux (le Puy-de-Dôme), partage cette vision « du cas par cas » et propose même un « binôme département-préfet » pour passer en revue les routes dangereuses et celles où il convient de repasser à 90 km/heure.
Quant à Olivier Richefou, il estime qu’il serait logique d’attendre « deux ans pour évaluer correctement l’impact du 80 km/heure sur la mortalité, comme le gouvernement l’avait proposé initialement. Néanmoins, si l’exécutif veut nous redonner notre liberté sur ce champ, je pense qu’il sera nécessaire de se mettre en relation avec le préfet pour que les routes départementales et nationales aient le même traitement ». Et le président de la Mayenne d’ajouter : « dans un département comme le mien, où il n’y a pas de montagne, pas de route sinueuse, et où le réseau est entretenu, je pense que l’on peut revenir à 90 km/heure, sauf sur certaines zones dangereuses où là, je propose même de passer à 70km/heure pour vraiment faire baisser la mortalité. Par ailleurs, je me tiens prêt à augmenter mes concours à la prévention routière pour faire aider au changement de comportement et éduquer dès le plus jeune âge à ces questions ».
Trop tard pour revenir en arrière ?
Quant à François Goulard, il s’inquiète lui de la multiplication des panneaux de signalisation que pourrait engendrer le « retour en arrière ». La norme n’étant plus forcément 80 km/heure, il sera en effet nécessaire d’indiquer régulièrement les vitesses à suivre. « Cela va vraiment être compliqué pour les automobilistes qui vont toujours devoir avoir l’œil sur les bas-côtés et puis, sur un territoire comme le nôtre, avec 4000 km de routes départementales, cela pourrait avoir un coût non-négligeable de racheter ces panneaux » explique le président du Morbihan, qui reconnaît que ce sujet du 80 km/heure est « très compliqué à gérer et à refermer ». Et ce dernier de s’interroger in fine sur la nécessité... d'un statu quo : « le plus sage serait peut-être de conserver le 80 km/heure dans la mesure où la décision a été prise il y a un an et qu’elle est désormais appliquée partout en France ? »
Pungeot - 05/02/2019 00h:06
Les 80 km sont rarement respectés stricto-censo : - vous avez des conducteurs qui roulent entre 70 à 75 km compteur et au 1er panneau radar tombent à 60 kmh; - vous avez des camions qui roulent à 85 kmh compteur soit 82 83 kmh chrono; - vous aviez et avez toujours des chauffards qui ne respectent rien, que ce soit la limitation de vitesse, les lignes blanches.... Trouvez-vous normal de pouvoir rouler aussi vite sur une route vicinale à la visibilité réduite que sur une ex route nationale ? de laisser un 45 tonnes à 80 kmh et d'une grande largeur
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