50 cartes pour « différencier les vraies questions des faux débats »

50 cartes pour « différencier les vraies questions des faux débats »

© Editions Autrement

Les chercheurs Aurélien Delpirou et Frédéric Gilli ont publié un atlas très accessible, aidant à appréhender l’état du pays et de la société française. Sobrement intitulé « 50 cartes à voir avant d’aller voter », ce panorama nourri par des regards de démographes, économistes, historiens ou sociologues contribue à casser quelques idées reçues sur l’« archipellisation » ou l’« ensauvagement » de la société, les mythes d’un « grand remplacement » ou de l’existence, contestée, d’une « France périphérique »… non sans épargner au passage les « impasses de la décentralisation. »

Il arrive parfois que des cartes soient plus parlantes que des écrits… La France est-elle en déclin ? C’était mieux avant ? Le politique ne peut plus rien, vraiment ? Dans un atlas compilant 50 cartes aussi diverses les unes que les autres – délinquance, éducation, immigration, industrie, logement, mobilités, pouvoir d’achat, protection sociale, etc - et près d’une centaine de graphiques nourries de statistiques récentes, Aurélien Delpirou et Frédéric Gilli auscultent différents thèmes de campagne de l’élection présidentielle. Différents enjeux qui auraient mérité d'être au centre des discussions, du moins. A rebours d’un certain nombre d’antiennes grossières, documentées à la va-vite et sciemment entretenues à des fins électoralistes, ces derniers mois, par plusieurs candidats à la magistrature suprême…

Les bouleversements engendrés par la mondialisation dans les territoires les plus exposés au chômage et aux inégalités, la course à l’innovation technologique, les crises sociale et écologique à répétition… Tous ces phénomènes ont eu et produisent encore leur part de conséquences, inégalement ressenties selon les générations, les groupes sociaux mais aussi les territoires – avec un impact variable selon les enjeux dont on parle en Loire-Atlantique, en Ile-de-France ou dans le Rhône par exemple que dans les Ardennes, la Creuse ou la Somme. A aucun moment on ne perçoit de volonté, dans l’esprit des deux auteurs, de nier les angoisses, colères, frustrations, le sentiment de vulnérabilité accrue résultant d’un monde qui change.

Un débat public rabougri, fondé sur d'importants biais

« Cette déstabilisation généralisée est propice à la propagation d’idée extrêmes, de nostalgies délétères et d’approches complotistes (…) Toutefois, à force d’agiter de façon stérile et unilatérale le spectre du déclin, la France risque de passer à côté des vraies questions qui se posent à elles et dont elle doit se saisir collectivement » alertent néanmoins Aurélien Delpirou et Frédéric Gilli. Loin de vouloir se poser en censeurs ou gardiens de la bien-pensance, ils estiment que « la façon dont les données sont sélectionnées puis mises en œuvres dans l’espace public » empêcherait de débattre de préoccupations « souvent parfaitement fondées ». Car « les réponses stéréotypées ou idéologiques laissent souvent de côté les recompositions à l’œuvre dans le pays. »

C’est tout le paradoxe ! Eux ne constatent pas en effet, cartes et infographies à l’appui qu’ils placent sous nos yeux, de  véritable effondrement de la France à même d’alimenter les discours aussi amers que mélancoliques. Bien au contraire ! Ils soulignent l’amélioration des conditions de vie et du niveau d’éducation, l’excellence scientifique de la France, son espérance de vie en bonne santé, le maintien de son influence diplomatique ou d’un fort rayonnement culturel, etc. « Le drame n’est pas que la France change, mais que le débat public soit basé sur des idées fausses nous empêchant de discuter sereinement » regrette Frédéric Gilli : « après un siècle de désastres annoncés et d'autoflagellation, la France reste l'une des principales puissances mondiales » écrivent-ils ainsi, contraints de reconnaître toutefois que « si la situation matérielle contribue à la qualité de vie, elle ne fait pas – à elle seule - le bonheur des habitants. Notamment parce que tous ces progrès demeurent inégaux selon les territoires, les statuts sociaux et l’âge. »

Faire vivre le débat démocratique, partout !

Plutôt que participer à cette « brutalisation » du débat public, les deux chercheurs – en géographie pour l’un et en économie urbaine pour l’autre, désormais détachés au Secrétariat général du Club Ville Aménagement, et à la tête de l’agence de concertation Grand Public - font donc se croiser dans cet Atlas les sciences sociales dans une logique pluridisciplinaire vertueuse. Plusieurs experts comme Daniel Béhar, Renaud Epstein ou Hervé Le Bras ont été utilement invités à mettre en perspective toute la matière accumulée par Aurélien Delpirou et Frédéric Gilli. Nul doute que cet ouvrage, de salubrité publique en cette morne campagne électorale, inspirerait n’importe quel élu soucieux de faire vivre le plus sereinement possible, sur le terrain, les principaux enjeux du débat démocratique dans notre pays.

« 50 cartes à voir avant d’aller voter », Editions Autrement, 128 pages, 12,9€, janvier 2022.

 

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