Décentralisation, territoires
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Alors que le projet de loi sur le statut de Paris et l'aménagement métropolitain est annoncé en nouvelle lecture au Sénat pour le 8 février, il y a de quoi s'interroger sur un texte qui, en l'état actuel, créerait sept métropoles supplémentaires pour atteindre un total de 22...
Nous partîmes une dizaine ; mais, par un prompt renfort, nous arrivâmes 22… Ainsi, depuis des décennies et sans le savoir, la France était dotée non pas de trois métropoles - Paris-Lyon-Marseille, plus de 500 000 habitants chacune et un système électoral propre, dit PLM -, mais de 22. C’est du moins ce qu’assurent les députés.
Pour mémoire, en 2014, afin de doper l’attractivité des grandes villes et leur rôle moteur dans la croissance économique, la loi Maptam voulue par l’exécutif consacrait dix métropoles, venant s’ajouter à Nice et au « trio PLM » : Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse. Déjà, les négociations au Parlement avaient été serrées pour fixer un seuil démographique. Brest avait rejoint le club in extremis, malgré une agglo plafonnant à 213 000 âmes. Nancy l’imitait en 2016. Au final, la liste présentait une certaine cohérence.
Mais c’était sans compter l’appétit vorace pour le label « métropole ». Le projet de loi Statut de Paris a opportunément assoupli le droit d’entrée, faisant accéder Saint-Etienne, Dijon, Orléans et Toulon au Graal métropolitain. Avec 19 métropoles, on frisait l’indigestion urbaine ! Pas de l’avis des députés, également élus locaux, qui obtiennent un nouvel assouplissement : Clermont-Ferrand, Tours et Metz en seront aussi !
Balkanisation. La France aurait donc autant de métropoles que toute l’Europe réunie ? On ne peut que louer l’ambition des élus de développer leur ville en utilisant tous les moyens à leur disposition. Mais le risque encouru est celui d’une balkanisation du supposé effet attractif du label auprès des investisseurs étrangers, ceux-là mêmes qui sont visés par les élus. Sans compter qu’à terme, les moyens apportés par l’Etat pour faire levier sur la croissance via la métropolisation se verront éparpillés. Le phénomène a déjà touché les pôles de compétitivité, puis les projets « industrie du futur ». Au point qu’il a fallu ensuite sabrer leurs effectifs.
Enfin, le laisser-passer obtenu par cinq communautés d’agglo - Orléans, Toulon, Clermont, Metz et Tours - les propulsera en à peine plus d’un an directement au rang de métropole, ou après un passage express par celui, plus intégré, de communauté urbaine. En termes de compétences à absorber et de services à créer ou à réorganiser, la marche à gravir est aussi haute que le bénéfice apparaît improbable.