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Le sort des personnes âgées dépendantes et le vieillissement de la population n'indiffère pas tout à fait Emmanuel Macron et ses ministres. La cinquième branche de la Sécurité sociale a été créée lors de son premier quinquennat, avant qu'un Conseil national de la refondation ne soit dédié à la thématique du Bien-vieillir. Mais, au-delà des belles intentions affichées, les avancées concrètes demeurent pour le moins discrètes. L'année 2023 verra-t-elle (enfin) le renforcement des politiques du Grand âge ?
Le grand âge, grande cause nationale ? A n’en pas douter, si l’on en croit l’exécutif… Deux nouvelles lois concernant directement les seniors rythmeront l’année 2023. Alors que la réforme des retraites s’avère en passe d’être présentée en conseil des ministres puis discutée au Parlement, un second texte sur la fin de vie – consécutif à la Convention citoyenne en cours, devant rendre son rapport en mars – a d’ores et déjà été annoncé.
Elus locaux et parlementaires engagés auprès des personnes âgées se démènent néanmoins pour amender l'agenda gouvernemental et permettre à l’adage « jamais deux sans trois » de se vérifier. C’est que l’année écoulée a été marquée par la sortie du livre-enquête « Les Fossoyeurs » révélant la maltraitance dans les Ehpad et, en retour, une salve d’inspections-contrôles des établissements de prise en charge des seniors les plus dépendants. Et que ces deux lois, si tant est qu’elles voient effectivement le jour dans un futur proche, passeront totalement à travers ces enjeux…
Action ou incantation ?
Si des mesures conjoncturelles consensuelles relevant une partie des rémunérations des professionnels du maintien à domicile ont bien été intégrées au budget 2023 de la Sécurité sociale, le gouvernement a botté en touche pour le reste. Comme leurs prédécesseurs avant eux, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne n’ont pas encore véritablement tiré les leçons structurelles de ces défaillances et dysfonctionnements à répétition dans les Ehpad. « Ce gouvernement ne néglige pas la question du grand âge. Cette politique n’a, par contre, jamais été financée à la hauteur de laquelle elle aurait dû l’être » nuance Monique Iborra, députée LREM de Haute-Garonne. L'exécutif changera-t-il de pied avec la réédition des Fossoyeurs – agrémentés par son auteur Victor Castanet de dix chapitres inédits supplémentaires – prévue pour la fin du mois de janvier ?
Il semble d’autant plus urgent de se soucier de la dignité des personnes âgées en perte d’autonomie, en tout cas, que la pyramide des âges ne cessera de croître d’ici 2035. Plus ou moins vite selon les territoires – en fonction de l’évolution de leur solde démographique naturel et de leur taux de natalité, ainsi que de leur attractivité sur le « marché » des flux résidentiels et de la quête de centralité ou d’héliocentrisme des aînés, etc. Mais partout en France.
Le constat est dorénavant bien connu : plus d’un Français sur trois aura plus de 60 ans dès 2030. Et la génération des « baby-boomers », celle des 75-84 ans, devrait, pour sa part, augmenter de moitié. Celle des plus de 80 ans triplé. Dix ans plus tard, en 2040, 15% de la population sera âgé de 75 ans ou plus, contre à peine 6% en 1990. Enfin, le nombre de personnes âgées très dépendantes nécessitant une prise en charge lourde se portera à 2,2 millions, contre 1,3 million aujourd’hui.
Révolution majeure… et silencieuse
A portée de signalements des familles de résidents comme des soignants, sous la pression de leurs oppositions, de plus en plus d’élus départementaux et communaux ont, eux, intensifié leurs politiques vieillesse. Du département de Haute-Marne aux villes de Châteaudun, Rennes ou Xertigny en passant par la métropole de Lyon, cela fait quelques années, en effet, que les responsables politiques locaux appréhendent la question du vieillissement autrement que de la charité teintée de clientélisme à l’égard d’un électorat aussi fidèle que loyal.
De l’adaptation des espaces et services publics locaux comme des territoires en général à la révolution culturelle que cette transition démographique implique pour notre société, en passant par la diversification et la modernisation des structures de prise en charge ou la lutte contre l’isolement, la question imprègne les politiques publiques locales comme les projets de territoire. Alors, les représentants des collectivités se montreront-ils à la hauteur sur cette politique partagée avec l’Etat ? Les Agences régionales de santé (ARS), Bercy, la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA) et le gouvernement consentiront-ils enfin à épauler des élus sommés d’anticiper et territorialiser une politique toujours pas clairement établie au niveau national ?
Des élus exposés, un gouvernement sous pression
Pour l’heure, une seule chose semble sûre : plusieurs pierres d’achoppement demeurent, et non des moindres. Le financement du développement de l’habitat inclusif, la mise en place d’une politique de prévention de santé publique en bonne et due forme, la poursuite de la revalorisation engagée pour les métiers du lien, la professionnalisation des acteurs du maintien à domicile ou le renforcement – quantitatif mais aussi qualitatif – des contrôles continuent d’électriser les relations entre les deux camps.
Lancée à l’automne dernier, le Conseil national de la refondation (CNR) consacré au bien-vieillir doit permettre de « fixer un cap », selon les mots du ministre de l’Autonomie et des Solidarités, Jean-Christophe Combe. Les associations d’élus convaincront-elles les hauts-fonctionnaires de l’Etat central d’engager une refonte globale de notre système de prise en charge de nos aînés, et par là donc de revenir sur le sous-financement chronique des politiques dédiées à l’autonomie et la dépendance, au sortir de cette vaste concertation annoncée pour le mois de mai ? Les élus patienteront-ils sagement, sans garanties encore de ses débouchés, ou engageront-ils un rapport de forces en s’alliant à la Sécurité sociale et en mobilisant l’opinion publique pour (enfin) se faire entendre ? En ce début d’année 2023, rien n’est encore écrit…
En chiffres
- 2,2 millions de personnes âgées très dépendantes en 2050, contre 1,3 million aujourd’hui. Les plus de 80 ans tripleront : de 1,5 à 4,8 millions
- .63 % des Ehpad ont des postes vacants depuis plus de six mois.93 % des Français jugent les métiers du grand âge trop peu rémunérés.
- 2 000 € / mois au moins, c'est le prix facturé par plus de la moitié des Ehpad. Le coût mensuel d’une chambre en Ehpad public est, lui, de 1 700 € en moyenne. Soit bien plus, toujours, que la pension de retraite moyenne des Français….
Sources : CNSA, Drees, rapports Broussy, El Khomri, étude Appel Médical et Cercle vulnérabilités et société.