Prévention de la corruption : la difficile appropriation au sein des collectivités

Dans le cadre d'une journée de formation à Bordeaux le 9 avril, l'Agence française anticorruption (AFA) et le CNFPT ont dressé un bilan de l'usage fait par les collectivités des dispositifs de prévention de la corruption créés par la loi Sapin II. Les référents déontologues et le traitement des lanceurs d'alerte peinent en particulier à s'imposer massivement, comme le prévoit pourtant la loi.
La figure du lanceur d’alerte n’a encore rien d’une évidence dans la culture du service public local. De nombreuses collectivités ne sont toujours pas dotées de dispositifs d’alerte interne et de protection de ceux tirant la sonnette d’alarme, comme le montrait l’enquête de l’Agence française anticorruption auprès des acteurs publics locaux, par réticence ou manque d’information. « C’est le syndrome de la contagion : en parler, ce serait risquer de l’attraper », résume Samuel Dyens, avocat spécialiste de la fonction publique territoriale. « Certaines collectivités craignent que la mise en place d’un dispositif d’accueil des lanceurs d’alerte fasse apparaître une thématique de corruption, absente jusque-là », constate-t-il.
La connaissance des obligations légales en la matière reste aussi parcellaire, du fait d’une réglementation fournie, à laquelle s’est ajoutée la loi Sapin II depuis décembre 2016.
Une assimilation progressive
Le maquis juridique a pu ralentir le processus d’appropriation de ces nouveaux outils. «L’assimilation a été progressive : au début, on nous contactait pour tout et n’importe quoi, nous recevons aujourd’hui beaucoup moins de saisines hors sujet », indique Sylvain Niquege, membre du collège commun de référents déontologues de la Gironde, de la Dordogne et du Lot-et-Garonne.
Pour autant, le thème de la corruption peine à émerger, et demeure absent des cinq à huit demandes que reçoit son collège de déontologues chaque mois. Les sollicitations concernent pour l’heure les cumuls d’activités entre le service public et le secteur privé, mais jamais des gratifications offertes à des agents publics.
Des facteurs dissuasifs
Sylvain Niquege relève deux freins potentiels. Les témoignages recueillis ne peuvent être anonymes, car il leur serait alors impossible de déterminer s’ils émanent des institutions sur lesquelles s’exerce leur compétence, circonscrite à un territoire précis. Les référents déontologues promettent la confidentialité, mais cette garantie pourrait sembler insuffisante dans les cas de corruption les plus lourds.
Enfin, la loi Sapin II pourrait selon lui décourager certaines initiatives car « la façon dont elle a été faite vise d’abord à une saisie en interne de ces questions ». Le texte prévoit une procédure très rigoureuse « d’alerte graduée priorisant dans un premier temps la chaîne hiérarchique de l’entité concernée », qui, si elle n’est pas suivie, ne donne droit ni au statut de lanceur d’alerte ni à la protection qu’il induit.
Références
- Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique
- Décret n°2017-519 du 10 avril 2017 sur le référent déontologue dans la fonction publique
- Avis relatif aux recommandations de l’Agence française anticorruption (JO du 22 décembre 2017)
- 50 questions-réponses : le maire et la transparence de la vie politique
- Corruption : les grandes collectivités davantage touchées… et davantage sanctionnées
- Gerlad Begranger, directeur-adjoint de l'AFA : « Les outils pour prévenir la corruption sont insuffisamment mis en œuvre par les collectivités»
Sommaire du dossier
39 articles Lire le 1er article- Article 01 - Charte de l’élu local : un guide pour que les élus apprennent à « gérer le risque du conflit d’intérêt »
- Article 02 - Les plans de Didier Migaud, nouveau président de la HATVP, pour la transparence des élus locaux
- Article 03 - Municipales : « s’appuyer sur des collectivités leaders pour générer plus de transparence »
- Article 04 - René Dosière : « Le contrôle exhaustif n’existe pas pour les élus locaux »
- Article 05 - Prévention de la corruption : la difficile appropriation au sein des collectivités
- Article 06 - Le Conseil constitutionnel ouvre aux regards ses « portes étroites »
- Article 07 - Le casier judiciaire vierge pour être élu, une moralisation nécessaire ?
- Article 08 - La suppression de la réserve parlementaire, pomme de discorde entre députés et sénateurs
- Article 09 - Ethique publique : « pas de chasse aux sorcières » mais la quête de « flous juridiques »
- Article 10 - L’exécutif veut limiter le cumul dans le temps à trois mandats identiques successifs
- Article 11 - La suppression de la réserve parlementaire phagocyte l’audition de la Garde des Sceaux
- Article 12 - « Il n’y a jamais eu autant d’élus, et autant de gens qui se sentent mal représentés »
- Article 13 - « Il n’y a pas davantage d’élus malhonnêtes aujourd’hui qu’hier »
- Article 14 - Elections : « Il faut jouer le jeu de la transparence avec les électeurs »
- Article 15 - Réserve parlementaire : le détail des subventions sénatoriales en 2015
- Article 16 - L’Agence nationale de prévention de la corruption se penchera aussi sur les collectivités
- Article 17 - Transparence de la vie publique : le premier rapport de la Haute autorité clarifie le risque de conflit d’intérêts
- Article 18 - Transparency International ne veut pas de remise en cause du non-cumul des mandats
- Article 19 - Moralisation de la vie politique : les nouvelles obligations des conseillers régionaux
- Article 20 - « Il serait extravagant de revenir sur le non-cumul des mandats »
- Article 21 - « Parmi les élus, le réflexe “déontologue” reste à acquérir »
- Article 22 - La transparence de la vie politique ne fait pas beaucoup d’adeptes
- Article 23 - Des propositions pour « renouer la confiance publique »
- Article 24 - Lobbying : les mauvaises notes de la France
- Article 25 - Un député UMP favorable à la transmission de la réserve parlementaire au préfet
- Article 26 - Elus locaux et conflits d’intérêts : parution du décret d’application
- Article 27 - La transparence de la vie politique, « urgence » démocratique – Introduction
- Article 28 - Les élus locaux ont jusqu’au 1er juin 2014 pour transmettre leurs déclarations d’intérêt et de patrimoine
- Article 29 - Transparency International demande l’exemplarité aux candidats aux municipales
- Article 30 - Conflits d’intérêts et transparence : de nouvelles obligations pour plusieurs milliers d’élus locaux
- Article 31 - Le Conseil constitutionnel valide pour l’essentiel les lois sur la transparence
- Article 32 - La transparence sera aussi locale
- Article 33 - Indemnités des élus : quelles sont les pratiques ?
- Article 34 - Vers le contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts des responsables des grands exécutifs locaux
- Article 35 - Responsabilité pénale des élus locaux : trente ans d’évolution
- Article 36 - Avantages en nature des élus locaux : les règles du jeu
- Article 37 - Daniel Lebègue, président de Transparency International France : « Il faut restaurer la confiance entre élus et citoyens »
- Article 38 - Conflits d’intérêts : élus locaux, la prudence est de mise
- Article 39 - Les élus locaux sont-ils à l’abri des groupes d’intérêt ?
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Un maire a t il le droit de ne jamais faire un appel d offre pour achat de matériel pour la mairie ou proposé les apéritif colis de noel tous à rapport à l alimentation car dans notre commune c est se qui se passe ya 3 commerce donc 2 a c est enfants qui travaillent avec la maire du matériel houleuse etc… qui ne marche pas sans dire le reste n est ce pas du favoritisme???? Cordialement