Parité bien ordonnée ne commence pas par le maire

Stupeur fin janvier quand le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l’élection du conseil municipal de Sarcelles pour défaut de parité. D’autant que ce n’est pas le manque de femmes en tant qu’adjointes qu’a condamné le juge, mais leur nombre trop important par rapport à leurs collègues hommes ! Où quand la lettre de la loi prime sur son esprit…. Récit.
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La parité, une obligation croissante dans les communes et leurs intercommunalités
voir le sommaireFavoriser l’accès des femmes aux mandats exécutifs locaux est aussi louable qu’imposé par la loi… mais manifestement dans une certaine mesure seulement. La commune de Sarcelles en a fait l’inattendue expérience.
Tout débute en novembre dernier : la première magistrate de la commune du Val-d’Oise, Annie Péronnet, démissionne de son poste pour « raisons de santé » en novembre dernier tout en restant membre du conseil municipal. S’ensuit alors l’élection par le conseil municipal d’un nouveau maire, en l’occurrence David Haddad, et de sa liste d’adjoints. Le nouveau patron de l’exécutif local avait préalablement choisi pour sa liste quatorze adjoints, soit huit femmes et six hommes.
La lettre de la loi plutôt que l’esprit…
Une prééminence féminine qui n’a pas eu l’heur de plaire à deux conseillers d’opposition, jugeant que la parité n’avait pas été respectée. Car si le législateur a souhaité en promouvoir le principe dès la loi n°2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, il l’a fait de manière stricte : « Sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un dans les communes de plus de 1 000 habitants », dispose l’article L. 2122-7-2 du code général des collectivités qui en découle. Une femme de trop ou un homme manquant, selon le point de vue… suffisant dans tous les cas pour invalider l’élection, a jugé le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 31 janvier, saisi par les deux conseillers d’opposition.
Ce faisant, les juges ont privilégié l’application stricte du CGCT au détriment de l’esprit de la loi qui avait modifié l’article en question, le législateur ayant à l’époque évidemment souhaité favoriser la participation des femmes à la gouvernance des collectivités face à des exécutifs trop souvent masculins. La décision fut d’autant plus difficile à accepter pour le nouvel édile que si la liste « favorisait » statistiquement les femmes, il n’en était rien en comptabilisant l’exécutif dans son ensemble, avec un homme à sa tête. Mais depuis ce texte de 2007, l’élection des adjoints est désormais déconnectée de celle du premier magistrat de la commune. Ainsi le maire n’a pas manqué de souligner l’ironie de l’histoire : « J’ai pris la place de l’ancienne maire, une femme, qui m’a remplacé en tant qu’adjointe. L’équilibre de l’exécutif municipal, maire et adjoint, est donc le même qu’auparavant », a-t-il argumenté auprès de l’AFP.
Le législateur face aux demandes de davantage de parité
L’affaire a fait grand bruit au point de faire réagir sur Twitter la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa : « Nous devons lutter pour plus de femmes au pouvoir politique, pas se servir de la loi sur la parité pour en exclure ! »
Le jugement tombé, l’exécutif n’a eu d’autre choix que d’organiser un nouveau scrutin au sein du conseil municipal, le CGCT prévoyant sa convocation dans un délai de quinze jours lorsque l’élection des adjoints est annulée (art. L.2122-14). Ce que fit le maire le 11 février dans un climat tendu… Cet épisode ne devrait pas refroidir pour autant les ambitions de ceux souhaitant pousser plus haut les feux de la parité dans les exécutifs communaux, à l’image de l’AMF dont le groupe de travail dédié veut imposer, pour les prochaines municipales 2020, des binômes paritaires entre maire et premier adjoint et un scrutin de liste paritaire dans toutes les communes, sans seuil d’habitants.
Sommaire du dossier
19 articles Lire le 1er article- Article 01 - Parité bien ordonnée ne commence pas par le maire
- Article 02 - Parité : les propositions de l’AMF pour féminiser les exécutifs des communes et intercommunalités
- Article 03 - Julia Mouzon, Elueslocales.fr : « lutter contre le sentiment d’illégitimité des femmes élues »
- Article 04 - Désormais, seule la loi fait progresser la parité dans les mandats politiques
- Article 05 - Egalité femmes-hommes : rapport annuel pour progrès de long terme
- Article 06 - Parité en politique : la France à la traîne, présidences de collectivités comprises
- Article 07 - Parité en politique : les pistes d’harmonisation du Haut conseil à l’égalité femmes-hommes
- Article 08 - Les intercommunalités, ces mauvais élèves de la parité politique locale
- Article 09 - Municipales : la parité progresse… sauf pour les têtes de liste, à 83 % des hommes
- Article 10 - Un homme, de droite et maire de la ville centre : portrait-robot du nouveau président d’agglo
- Article 11 - Appliquer la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes
- Article 12 - Parité : un guide pratique et des assises en avril
- Article 13 - Projet de loi pour l’égalité réelle femmes-hommes : des mesures à tous les étages
- Article 14 - Elections partielles d’adjoints : le principe de parité en échec
- Article 15 - Domination masculine et sociale parmi les adjoints des villes moyennes
- Article 16 - Armelle Danet, présidente d’Elles aussi : « Sans contraintes légales, la parité ne s’imposera pas »
- Article 17 - Elections, collectivités territoriales employeurs ou commanditaires… le projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem veut « généraliser » la parité
- Article 18 - Le cumul des mandats : un symptôme masculin, selon le Haut conseil à l’égalité
- Article 19 - Faut-il un scrutin de liste paritaire dans toutes les communes pour les élections municipales ?
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