« Chambre de la société civile » : faut-il institutionnaliser la participation citoyenne ?

Le gouvernement entend transformer le Conseil économique, social et environnemental (Cese) en une « chambre de la société civile ». Reste un défi (de taille) à relever pour retisser du lien entre les citoyens et la politique : rendre cette assemblée la plus inclusive possible. Un colloque du Think Tank « Décider Ensemble » était organisé sur ce thème jeudi 14 juin au Palais d’Iéna.
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Les collectivités territoriales et la démocratie participative
voir le sommaireAvec la réforme constitutionnelle, le Cese s’apprête à franchir une nouvelle étape dans son évolution. Né en 1946, le Cese – qui a porté plusieurs noms et a eu plusieurs missions depuis la IVème République – devrait en effet, sous l’impulsion de la réforme constitutionnelle, endosser le rôle de « chambre de la société civile ». Un virage que le Palais de Iéna avait timidement commencé à prendre depuis quelques années, en ouvrant par exemple les portes de cette institution représentant les corps intermédiaires de la nation aux pétitions citoyennes. Aux yeux du gouvernement, « institutionnaliser » encore davantage la participation citoyenne au sein du CESE peut être une manière de réconcilier les Français avec la politique et donc de retisser du lien.
Inclusif et tirage au sort
Si le but semble honorable, Séverine Bellina, directrice de l’institut de recherche et débat sur la gouvernance, s’inquiète de l’effet boomerang que pourrait avoir une telle promesse si elle n’était pas tenue, ou mal tenue. « Si l’on veut que cela marche, il ne faut pas que ce soit un simple label ou un simple slogan marketing : la participation citoyenne implique une refonte réelle de notre société et donc un engagement à une co-production » explique-t-elle.
Un point de vigilance que partage Antoine Dulin, vice-président du Cese et représentant d’un mouvement de jeunesse au sein de l’institution. « Cette réforme constitutionnelle est une opportunité pour le Cese, mais la question que nous devons nous poser est ‘comment peut-on faire pour engager plus massivement les citoyens ?’ » interroge-t-il, « on ne peut plus se contenter de dire que nous sommes les représentants des citoyens car près de 80 associations siègent au Cese, il faut aller chercher les invisibles au-delà des ‘convaincus’ que l’on retrouve déjà sur les plateformes citoyennes… Je suis donc favorable à une expérimentation du tirage au sort pour permettre à des citoyens de venir exprimer une expertise d’usage sur tel ou tel sujet ». Et pour rendre cette future chambre citoyenne ouverte aux « invisibles », Antoine Delin estime qu’il faudra mener « un gros travail de pédagogie et d’éducation populaire ».
L’idée de tirage au sort est séduisante sur de nombreux points mais si on y associe pas en même temps l’idée des moyens : apprentissage, acculturation, maitrise d’outils et d’intelligence collective etc … ce sera contre-productif. Modeste avis @CoordNatCD @senateurcabanel https://t.co/scJuzSc9cA
— Dominique Valck (@Dominique_Valck) 14 juin 2018
L’ombre de la « troisième chambre »
Et pour commencer peut-être auprès des parlementaires et des élus locaux… parfois suspicieux face à cette démocratie citoyenne susceptible de remettre en cause leur légitimité émanant, elle, des urnes. Philippe Dallier, sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis ne cache d’ailleurs pas ses craintes quant à la nouvelle organisation qui se profile : « Certains élus ont peur que la démocratie citoyenne ne remette en cause leur légitimité. Et c’est vrai, que même si le Cese a vocation à monter en puissance et à organiser ses propres consultations citoyennes sur un projet de loi à venir par exemple, il est essentiel que de son côté, le parlementaire, rapporteur du texte, ne soit pas empêché pour autant de mener ses propres auditions. Le Parlement doit aussi pouvoir continuer à faire son boulot ! »
#Réformeconstitutionnelle « On travaille en ce moment aux modalités qui nous permettront d’avoir des relations beaucoup plus étroites et constantes avec le Gouvernement et le Parlement » Dominique Giller, vice-président du CESE #ChambreSocieteCivile pic.twitter.com/ZY4DJoSqur
— CESE (@lecese) 14 juin 2018
Le projet de réforme constitutionnelle devrait être soumis à l’Assemblée dès le mois de juillet.
- La démocratie participative cherche sa place au milieu des institutions
- « Démocraties représentative et participative partagent les mêmes insuffisances »
- Budgets participatifs, un outil qui fait son chemin !
- « Territoires hautement citoyens » secoue la démocratie participative
- Quel « droit à la ville » au 21ème siècle ?
- Oui aux Civic Techs, à condition de ne pas délaisser « le bistrot du village » !
- « Ni la démocratie directe ni la formule participative ne peuvent remplacer le vote »(Martial Foucault)
- Démocratie : « Changeons les règles du jeu » (Loïc Blondiaux)
Sommaire du dossier
34 articles Lire le 1er article- Article 01 - Nouvelle mandature : un débat public local à vivifier
- Article 02 - « Ne craignez pas d’aborder les enjeux de fond qui préoccupent nos concitoyens »
- Article 03 - L’Indre-et-Loire promeut la participation cantonale
- Article 04 - La participation citoyenne en perpétuel chantier
- Article 05 - Démocratie participative : « l’outil a pris le pas sur l’objectif politique »
- Article 06 - « Chambre de la société civile » : faut-il institutionnaliser la participation citoyenne ?
- Article 07 - Comment 400 Mulhousiens ont pesé dans l’attribution d’un marché public
- Article 08 - Les budgets participatifs, étape par étape
- Article 09 - Les conseils de quartier
- Article 10 - La démocratie participative cherche sa place au milieu des institutions
- Article 11 - Les comités consultatifs locaux
- Article 12 - Votations locales : organiser la campagne et le scrutin
- Article 13 - Mettre en place référendums et consultations
- Article 14 - « Coopérative » et « continue » : les préconisations du Sénat pour dépasser la démocratie participative
- Article 15 - Démocratie participative : pas si simple ! alertent les élus locaux
- Article 16 - La démocratie semi-directe, pour des débats publics de qualité et un système politique efficace
- Article 17 - Budgets participatifs : à la recherche de la collaboration optimale
- Article 18 - Portrait-robot de ces communes qui ont lancé un budget participatif
- Article 19 - Un pas vers une meilleure concertation sur les projets impactant l’environnement
- Article 20 - Paris veut embarquer ses élus et les agents de la Ville dans sa mutation participative
- Article 21 - Conseils citoyens : des instances incontournables du contrat de ville
- Article 22 - Montreuil boucle son premier budget participatif, après Paris et Grenoble
- Article 23 - Dialogue environnemental : pour une plus grande participation des citoyens, plus tôt
- Article 24 - Dialogue environnemental : « Nos propositions devront être opérationnelles, sans être sources de vices de forme »
- Article 25 - « La pédagogie sur les politiques publiques est un enjeu démocratique central »
- Article 26 - Environnement : vers un renforcement de la démocratie participative
- Article 27 - Démocratie participative : des propositions pour « renforcer le lien entre élu-e-s et citoyen-ne-s »
- Article 28 - Yves Sintomer, professeur de sciences politiques : « Le tirage au sort permettrait de recrédibiliser la politique »
- Article 29 - « Faire appel à la société civile locale pour solidifier notre démocratie »
- Article 30 - Diagnostics urbains « en marchant » : quand les usagers font l’expertise
- Article 31 - Alice Mazeaud : « Fixer les règles du jeu et s’y tenir » pour réussir son budget participatif
- Article 32 - Le cadre juridique de la démocratie participative, du légal à l’extralégal
- Article 33 - 50 questions sur la démocratie locale – Droit pratique
- Article 34 - Les finalités de la démocratie participative : quelle complémentarité entre démocratie représentative et démocratie participative ?
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Je croyais qu’on voulait le fusionner avec le sénat; dommage si cela ne se fait pas…