Jacques Mézard se fait le VRP de la « cohésion des territoires »

A l'heure où le creusement des inégalités territoriales s'impose dans le débat politique et préoccupe un nombre croissant d'élus locaux, notamment ruraux, Jacques Mézard a eu l'occasion de faire de la pédagogie sur l'un de ses sujets de prédilection. De ses concepts d'alliance et de dialogue aux contrats de réciprocité en passant par l'Agence de la Cohésion des territoires, le ministre et ex-sénateur est revenu sur ses principaux dossiers du moment.
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Congrès des maires 2017 : tous les enjeux, tous les débats de la centième édition
voir le sommaireDevant un auditorium de maires particulièrement remonté, ayant tous des cas concrets à présenter pour documenter les inégalités territoriales, l’abandon de l’Etat, le retrait des services publics ou bien encore les déserts médicaux, la tâche de Jacques Mézard n’avait rien de simple. Devenu ministre de la Cohésion des territoires et devant assumer la politique budgétaire de l’exécutif, l’ancien sénateur (RDSE) du Cantal est pourtant parvenu à s’en sortir par le haut. Il faut dire qu’il ne connaît que trop bien sa partition, lui qui n’a eu de cesse de se battre dans sa vie précédente contre les politiques de « déménagement du territoire » et les effets néfastes de la métropolisation.
Alliance des territoires et réciprocité urbain-rural
Jacques Mézard a d’abord prêté l’oreille aux cas concrets présentés par divers maires, avant de rappeler la volonté du gouvernement de ne pas procéder à de nouvelles réformes territoriales – « des fusions de communes, il y en aura à condition que vous les vouliez. » Ou bien encore son ambition en matière d’aménagement numérique : « la fracture s’aggravera si nous n’accélérons pas. » Ce qui lui a valu là aussi quelques applaudissements nourris auxquels n’ont guère eu le droit le premier ministre, mardi 21, ni les ministres de l’Intérieur, des Transports ou encore de la Santé aujourd’hui. Saluant « l’atout inestimable que représente les ruralités pour la France » mais fustigeant la défense des intérêts catégoriels, il a renvoyé les représentants des grandes villes et les élus ruraux dos-à-dos. Le ministre de la Cohésion prône, pour sa part, une « alliance des territoires. Il y a un évident besoin d’ingénierie que devra combler l’Agence que nous sommes en train de mettre en place, mais il est nécessaire qu’il y ait un vrai dialogue sur le terrain pour restaurer des équilibres rompus au cours des dernières années. »
- Lire aussi : « On ne lutte pas contre les fractures en en faisant un problème territorial» - Martin Vanier, géographe
Critique vis-à-vis du contrat de réciprocité expérimenté entre la métropole de Lyon et Aurillac – « deux territoires séparés par 11 heures de train aller-retour, 9 heures par la route… » –, Jacques Mézard a toutefois apprécié le retour sur expérience de la métropole de Brest et les pays du Centre-Ouest-Bretagne. « Nous n’avons jamais eu la conception d’une métropole qui assècherait sa périphérie, mais bien qui irrigue. Et, avec tout le respect que je dois à nos voisins, seul Brest Métropole a investi dans la construction d’une nouvelle aérogare, l’extension du port de commerce ou encore l’université – alors que ce sont des services qui profitent à tous et rayonnent bien au-delà de notre bassin de vie » s’est amusé à lister son président, François Culliandre. « C’est important de le rappeler, tout comme le fait que nous avons également subi la baisse des dotations et que les treize milliards d’économies seront prioritairement demandées aux grosses collectivités. »
Une Agence de la cohésion des territoires, pour quoi faire ?
« Cette coopération est un très bon exemple » a vanté le ministre de la cohésion des territoires : « nous devrons trouver les modalités permettant de dupliquer cette meilleure collaboration entre les métropoles et le reste du territoire. Ce sera d’ailleurs l’une des missions de l’Agence, qui ne doit pas se révéler être une usine à gaz mais bien trouver son utilité pour tous. L’Etat est là pour simplifier, pas pour compliquer. Si ce n’est pas le cas, faites-le nous remonter » a enjoint Jacques Mézard aux maires et adjoints venus l’écouter. Sans en dire davantage sur les financements qui seront alloués à ce nouveau dispositif…
A la veille du Congrès des maires, François Baroin avait insisté pour que l’Agence de la cohésion des territoires soit un « ANRU des campagnes, qu’elle soit aux territoires ruraux ce que l’ANRU est aux quartiers en difficulté : un outil administratif, doté budgétairement avec l’objectif que pour un euro donné à la ville, un euro soit donné aux campagnes. Si l’Anru dispose de dix milliards, l’Agence doit avoir 10 milliards. Elle devra accompagner les projets de territoire, les Maisons de service au public, etc. Il lui faut accompagner financièrement les projets » expliquait le président de l’Association des maires de France.
Si agence d’ingénierie, qui la produira?
Sceptique sur sa capacité à débloquer des crédits supplémentaires, l’Assemblée des communautés de France (AdCF) l’attend, pour sa part, surtout sur le volet Ingénierie : « aujourd’hui, l’expertise est plutôt dans les villes et les intercommunalités, elle n’existe guère plus au niveau de l’Etat. Pour être véritablement utile, l’Agence ne doit pas être que celle de l’Etat mais organiser l’aide en réseaux, aider les territoires insuffisamment équipés à faire des diagnostics. »
Sommaire du dossier
25 articles Lire le 1er article- Article 01 - Emmanuel Macron propose un « compagnonnage républicain » aux maires
- Article 02 - Statut de l’élu, cumul dans le temps, nombre d’élus : les précisions d’Emmanuel Macron
- Article 03 - « Il n’y aura pas de tutelle » financière, promet Gérard Darmanin aux maires
- Article 04 - Investissement public local : la reprise plus que jamais incertaine pour 2018
- Article 05 - Gérard Larcher, héraut proclamé des collectivités (non métropolitaines)
- Article 06 - Des élus esseulés face aux problématiques foncières
- Article 07 - Devant les maires, Edouard Philippe repousse tout procès en recentralisation
- Article 08 - Jacques Mézard se fait le VRP de la « cohésion des territoires »
- Article 09 - Rythmes scolaires : des communes en plein doute!
- Article 10 - Etre maire, la nouvelle ère
- Article 11 - Congrès des maires : sans inflexion de l’exécutif, l’AMF saisira le Conseil constitutionnel
- Article 12 - François Kraus, Ifop : « le renouvellement de la confiance aux maires en place n’est pas gagné »
- Article 13 - Désordre climatique : le maire, un « fantassin de la proximité » sans moyens ?
- Article 14 - Le regard des Français sur leur maire… et leurs attentes pour les municipales 2020
- Article 15 - Conseillers municipaux : comment exister à l’EPCI quand on n’y siège pas ?
- Article 16 - « Le législateur reste le maître de la décentralisation »
- Article 17 - Faut-il reporter les élections municipales d’un an, au printemps 2021 ?
- Article 18 - Sécurité publique : les élus locaux craignent le retrait de l’Etat
- Article 19 - Comment les associations départementales des maires soutiennent les élus
- Article 20 - Martin Vanier : « On ne lutte pas contre les fractures en en faisant un problème territorial »
- Article 21 - La missive d’Edouard Philippe aux maires à moins d’un mois du Congrès
- Article 22 - Contrats aidés : la continuité du service public local doit être garantie par des agents territoriaux
- Article 23 - Le maire est tenu de convoquer le conseil municipal si une majorité d’élus le demande
- Article 24 - Assumer le mandat de maire, un calvaire parfois très éphémère…
- Article 25 - Taxe d’habitation supprimée : comment préserver l’autonomie financière communale ?
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