Les maisons de santé restent en observation
Les maisons de santé pluridisciplinaires ont le vent en poupe : fin 2011, 230 sont en fonctionnement et 475 en projet. On en comptait moins de 100 en 2010. Une instruction du 28 mars 2012 leur a donné une visibilité au sein des établissements sanitaires et sociaux : elles sont désormais identifiées dans une nouvelle catégorie ad hoc.
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La santé, une mission nouvelle pour les collectivités territoriales
voir le sommaireL’instruction du 28 mars 2012 crée un observatoire des maisons de santé, défini comme « un outil de suivi de ces structures, permettant de disposer d’une vision précise et actualisée des maisons de santé existantes et en projet, et de mesurer l’effectivité du service rendu ». Les acteurs institutionnels, ministères, agences régionales de santé (ARS)…, y auront un accès direct, mais pas les collectivités territoriales, alors qu’elles participent largement au financement de ces structures ! En particulier, les communautés de communes.
« Un projet de territoire ne peut plus s’exonérer d’un volet sanitaire mais il faut éviter que cela ne parte dans tous les sens », souligne Christophe Bernard, secrétaire général de l’Assemblée des communautés de France (AdCF)(1).
Pas la seule réponse aux déserts médicaux
Le risque ? La concurrence entre territoires pour attirer les jeunes médecins et le ruban coupé en fanfare sur une coquille vide. Parlant de « mythologie de la maison de santé », il rappelle le contre-exemple des salles polyvalentes ou des piscines des années 70.
Malgré un recul encore insuffisant, certaines maisons de santé remplissent bien leur contrat : désengorger les urgences et rétablir un accès aux soins de premier recours. Elles ont en commun l’implication forte des professionnels de santé libéraux et des élus locaux autour d’un projet cohérent. Mais la maison de santé « n’est pas l’alpha et l’oméga » de la réponse aux déserts médicaux, dit Christophe Bernard, qui évoque l’exemple de la mise en réseau des professionnels de santé du plateau de Millevaches.
Le 3 juillet, la direction générale de l’organisation des soins a demandé aux ARS d’identifier les territoires où l’accès aux soins urgents dépasse 30 minutes et de voir la panoplie des solutions mises en place localement. L’occasion de faire le point sur la place des maisons de santé.
Philippe Pitard : « Un dossier prépondérant pour l’avenir de notre bassin de vie »
Une première tranche de travaux sera livrée fin 2012 : l’ambitieux projet de la maison de santé pluridisciplinaire de Sillé-le-Guillaume, présenté par la CC du Pays de Sillé, a été retenu dans le cadre de l’appel lancé en juillet 2010 pour le déploiement de 250 maisons de santé sur trois ans (19 pour la région des Pays de la Loire).
Le territoire, où 56 % de la population a 60 ans et plus, a été déclaré « zone déficitaire » par la mission régionale de santé (MRS). « Tout est parti de la mobilisation des médecins et professionnels de santé libéraux qui ont l’habitude de travailler ensemble, raconte Philippe Pitard, vice-président de la CC. Ils nous ont présenté un dossier que nous avons jugé essentiel pour l’avenir de notre bassin de vie. »
Le bâtiment de 1 400 m2 est en cours de construction sur un terrain cédé par la commune de Sillé-le-Guillaume pour un prix symbolique : « Proche de la gare, le lieu a été choisi avec soin, à côté de la maison de la petite enfance », souligne l’élu. La concertation avec l’hôpital local a été privilégiée. La maison de santé accueillera jusqu’à 24 professionnels de santé : médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, radiologues, chirurgiens-dentistes, orthophonistes, diététiciennes, psychologues… La CC la finance à hauteur de 1,1 million d’euros ; un peu moins de la moitié du coût total. Europe, Etat, conseil régional, conseil général et Pays de la Haute Sarthe ont fait le reste.
Communauté de communes du pays de Sillé (72), 10 communes, 7 515 habitants
Jean-Jacques Hilmoine : « Nous bouclons le budget via un bail emphytéotique »
La CC du canton de Fruges a inauguré sa maison de santé, le 7 juillet dernier, en présence de nombreux élus régionaux, départementaux et locaux. « La Maison du futur ? » Jean-Jacques Hilmoine, président de la CC, reprend la formule sans forfanterie : 1 800 m2, cinq médecins généralistes, neuf infirmières, des kinésithérapeutes, psychologues, sage-femme, dentiste mutualiste, podologue et des consultations de spécialistes…, l’activité de la maison de santé s’articule en trois pôles, « diagnostics et soins », « prévention et promotion de la santé » et « orientation vers des prises en charges spécialisées ».
Equipements dernier cri, jusqu’à la « e-valise » pour la télémédecine. « Tout remonte à une discussion, en 2006, avec un vice-président du conseil régional qui se désolait des mauvais indicateurs de santé dans le Nord-Pas-de-Calais malgré tous les efforts financiers », se souvient l’élu. Six ans de travail, sur place, avec le Dr Didier Delette, généraliste depuis 25 ans à Fruges. Entre-temps, une aubaine : la société Ostwind installe un parc d’éoliennes sur le territoire ; elle fait un don d’un million d’euros à la CC. Sans aide de l’Etat, l’interco a bouclé le budget – qui frôle les 5 millions – « via un bail emphytéotique administratif (BEA) », l’attributaire du marché étant une société d’HLM, Logis 62. « Une sorte de partenariat public-privé, résume Jean-Jacques Hilmoine, car aucune banque ne nous aurait prêté. »
Communauté de communes du canton de Fruges (59), 25 communes, 8 000 habitants
L’AdCF a publié en ligne, en février dernier, un dossier spécial Santé et territoires - Retourner au texte
Références
- Article publié dans Le Courrier des maires n° 260 de septembre 2012 (p. 28)
Sommaire du dossier
38 articles Lire le 1er article- Article 01 - Les Agences régionales de santé, un modèle à bout de souffle selon les élus locaux
- Article 02 - Confinements : comment Clermont-Ferrand répond à la détresse psychique au téléphone
- Article 03 - Les petites villes plaident pour un « Ségur 2 » axé sur la santé dans les territoires
- Article 04 - Les centres municipaux de santé ont une carte à jouer
- Article 05 - « Sur la santé, les communes sont l’horloge au-dessus de la cheminée qui prend la poussière »
- Article 06 - En Mayenne, la « démocratie sanitaire » du pays de Craon prend forme
- Article 07 - La santé, dénominateur commun du projet décentralisateur post-Covid des Territoires unis
- Article 08 - Faut-il refonder la gouvernance des agences régionales de santé ?
- Article 09 - Engager un plan territorial de santé mentale
- Article 10 - Faut-il limiter la liberté d’installation des médecins pour enrayer les inégalités d’accès aux soins ?
- Article 11 - « La concertation » avec les élus locaux inscrite dans le projet de loi santé
- Article 12 - Face à la désertification médicale, le département de Saône-et-Loire recrute
- Article 13 - « La désertification médicale est aussi un problème d’aménagement du territoire »
- Article 14 - Santé : les collectivités ont des idées à faire valoir face à l’impuissance régalienne
- Article 15 - Les centres de santé, l’autre piste pour lutter contre les déserts médicaux
- Article 16 - Déserts médicaux : un plan qui privilégie de nouveau les incitations
- Article 17 - Les associations d’élus bienveillantes vis-à-vis du plan déserts médicaux de l’exécutif
- Article 18 - Un bailleur social fait alliance avec le monde de la psychiatrie
- Article 19 - L’Ordre des médecins souhaite décentraliser l’organisation des soins
- Article 20 - Le Conseil de l’ordre des médecins en appelle à une « véritable démocratie sanitaire »
- Article 21 - Les recettes du CGET pour lutter contre la désertification médicale
- Article 22 - Marisol Touraine veut associer les élus locaux au « suivi » des groupements hospitaliers de territoire
- Article 23 - Face aux déserts médicaux, les petites villes veulent innover… et contraindre
- Article 24 - « Nous souhaitons que la loi autorise la création de conseils locaux en santé publique »
- Article 25 - Les élus s’impliquent davantage dans les conseils locaux de santé mentale
- Article 26 - Déserts médicaux : une fatalité que les élus refusent
- Article 27 - Vers un service public territorial de santé
- Article 28 - Projet de loi Santé : l’essentiel des dispositions impactant les territoires
- Article 29 - Offre de soins : une « approche territoriale » nécessaire, selon les petites villes
- Article 30 - De nouvelles mesures pour inciter les médecins à s’installer en zones rurales ou urbaines sensibles
- Article 31 - Mettre en place un conseil local de santé mentale
- Article 32 - Laurent EL Ghozi : contre les déserts médicaux, « la seule solution, c’est le contrat local de santé »
- Article 33 - Aider les personnes en souffrance psychique à se loger
- Article 34 - Hôpital : un « pacte de confiance » sous l’angle des territoires
- Article 35 - Mettre en place un contrat local de santé
- Article 36 - L’échelon médical intercommunal pour croiser les compétences et changer d’échelle
- Article 37 - Les maisons de santé restent en observation
- Article 38 - Adoption définitive de la loi de modernisation du système de santé : décryptage d’un texte fleuve
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