L’échelon médical intercommunal pour croiser les compétences et changer d’échelle
La compétence santé continue de se développer dans le champ d’intervention intercommunal. Elle ne cesse de monter en puissance du fait de la contractualisation des agences régionales de santé avec le secteur public local, mais aussi de la nécessité de résoudre les défis de démographie médicale à une échelle plus grande que la commune. Une nouvelle phase dans l'évolution des intercommunalités qui s’investissent de plus en plus en matière de services aux personnes.
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La santé, une mission nouvelle pour les collectivités territoriales
voir le sommaireL’intérêt communautaire en matière sanitaire s’impose, ne serait-ce que pour « une question d’échelle : quand les communes se saisissent de la problématique santé, elles restent souvent sur la question sociale, la pauvreté, la politique de la ville.
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Démographie médicale
Autre intérêt : le croisement avec « d’autres compétences plus classiques de l’intercommunalité - comme l’environnement, le logement, la précarité énergétique, etc. - qui permettent d’avoir une action sur les déterminants de santé ». Preuve en est les nombreux agendas 21 intercommunaux « qui ont intégré la santé au travers de la lutte environnementale ».
Les politiques liées à la démographie médicale se portent aussi de plus en plus à l’échelon communautaire, surtout en milieu rural, comme dans la communauté du canton d’Aurignac (31) : « Avec un bourg centre qui ne fait pas plus de 1 000 habitants, ce ne sont pas les communes qui peuvent aborder le risque d’une sous-présence médicale d’ici 5 ans ! », témoigne son président, Jean-Luc Guilhot.
Elargir la focale tant en termes d’échelle que de croisement des compétences : tel est l’intérêt majeur du niveau intercommunal pour la santé. A tel point que l’intercommunautaire, parfois au travers des pays, peut s’avérer nécessaire. Sans oublier les futurs pôles métropolitains. Bien que la santé ne soit pas explicitement citée dans l’article 20 de la loi de réforme des collectivités créant les pôles, une dizaine d’intercos citent spontanément le sanitaire comme compétence envisagée.
Une santé métropolitaine ?
Mais alors pour quelle valeur ajoutée ? « Nous travaillons autour de l’excellence des CHU et sur les inégalités sociales de santé, témoigne Alexandre Feltz pour le pôle métropolitain Strasbourg/Mulhouse. A cette échelle, cela permet de mettre en commun les moyens pour une meilleure expertise mais aussi d’aborder des questions spécifiques portant sur l’accès aux soins et leurs obstacles - financiers, linguistiques - et sur l’intégration de la santé dans la politique de la ville », développe-t-il.
Ailleurs, dans le pôle du Sillon lorrain, c’est le rapprochement des hôpitaux de Metz et Nancy qui est étudié. « La logique des communautés hospitalières de territoires favorise la réflexion des pôles en la matière, constate Annabelle Zimmermann, surtout dans un contexte de fermeture des petites unités de soins, avec une approche vraiment large du territoire. »
« Etudier, impulser et organiser les politiques sanitaires locales »
« Strasbourg est l’une des premières agglomérations à avoir signé un contrat local de santé autour de quatre axes d’action.
D’abord un observatoire local de la santé à l’échelle de la communauté urbaine, territoire cohérent, pour remédier à la multitude d’observatoires existants aux résultats illisibles.
Ensuite, l’intégration de la santé dans tous les plans de la communauté : déplacements urbains, habitat, urbanisme, etc.
Troisième axe : un soutien aux actions des communes qui restent acteurs dans la promotion de la santé, certaines conservant un plan santé communal.
Enfin, la mise en cohérence sur le territoire intercommunal des flux d’usagers de la santé, à l’image de la spécialité psychiatrie dont le découpage en secteurs n’avait aucune cohérence avec les habitudes de vie. Au total, la communauté urbaine étudie, impulse, aide et organise les autres acteurs. »
Alexandre Feltz, conseiller délégué aux études et aux orientations en matière de santé à la communauté urbaine de Strasbourg
Et les contrats locaux de santé ?
Y a-t-il une place pour les EPCI dans les contrats locaux de santé (CLS) ? L’historique de ces contrats ne milite pas en leur faveur car les CLS « sont le plus souvent signés par les communes qui étaient porteuses des ateliers santé ville, premiers partenariats formels en la matière », décrypte Annabelle Zimmermann. Reste que le défi de la démographie médicale plaide en faveur d’élus communautaires parties prenantes : le CLS s’avère indispensable pour agir à une échelle située « entre celle de la communauté et le département », estime Jean-Luc Guilhot, président de la communauté du canton d’Aurignac, en Haute-Garonne. Autre intérêt du CLS : « Afficher sa volonté face à l’agence régionale de santé et obtenir des fonds » pour financer les projets locaux, témoigne Philippe Ribot, vice-président du Grand Alès.
Références
- Article publié dans Le Courrier des maires n° 260 de septembre 2012 (p. 34)
- « Les contrats locaux de santé», note de l’AdCF, 2012
- « Les intercommunalités et la santé», observatoire régional de la santé Nord-Pas-de-Calais, 2010.
- « Santé et proximités nouvelles contraintes, nouvelles opportunités ?», colloque du CNFPT les 25 et 26 septembre 2012 à Nancy
Sommaire du dossier
38 articles Lire le 1er article- Article 01 - Les Agences régionales de santé, un modèle à bout de souffle selon les élus locaux
- Article 02 - Confinements : comment Clermont-Ferrand répond à la détresse psychique au téléphone
- Article 03 - Les petites villes plaident pour un « Ségur 2 » axé sur la santé dans les territoires
- Article 04 - Les centres municipaux de santé ont une carte à jouer
- Article 05 - « Sur la santé, les communes sont l’horloge au-dessus de la cheminée qui prend la poussière »
- Article 06 - En Mayenne, la « démocratie sanitaire » du pays de Craon prend forme
- Article 07 - La santé, dénominateur commun du projet décentralisateur post-Covid des Territoires unis
- Article 08 - Faut-il refonder la gouvernance des agences régionales de santé ?
- Article 09 - Engager un plan territorial de santé mentale
- Article 10 - Faut-il limiter la liberté d’installation des médecins pour enrayer les inégalités d’accès aux soins ?
- Article 11 - « La concertation » avec les élus locaux inscrite dans le projet de loi santé
- Article 12 - Face à la désertification médicale, le département de Saône-et-Loire recrute
- Article 13 - « La désertification médicale est aussi un problème d’aménagement du territoire »
- Article 14 - Santé : les collectivités ont des idées à faire valoir face à l’impuissance régalienne
- Article 15 - Les centres de santé, l’autre piste pour lutter contre les déserts médicaux
- Article 16 - Déserts médicaux : un plan qui privilégie de nouveau les incitations
- Article 17 - Les associations d’élus bienveillantes vis-à-vis du plan déserts médicaux de l’exécutif
- Article 18 - Un bailleur social fait alliance avec le monde de la psychiatrie
- Article 19 - L’Ordre des médecins souhaite décentraliser l’organisation des soins
- Article 20 - Le Conseil de l’ordre des médecins en appelle à une « véritable démocratie sanitaire »
- Article 21 - Les recettes du CGET pour lutter contre la désertification médicale
- Article 22 - Marisol Touraine veut associer les élus locaux au « suivi » des groupements hospitaliers de territoire
- Article 23 - Face aux déserts médicaux, les petites villes veulent innover… et contraindre
- Article 24 - « Nous souhaitons que la loi autorise la création de conseils locaux en santé publique »
- Article 25 - Les élus s’impliquent davantage dans les conseils locaux de santé mentale
- Article 26 - Déserts médicaux : une fatalité que les élus refusent
- Article 27 - Vers un service public territorial de santé
- Article 28 - Projet de loi Santé : l’essentiel des dispositions impactant les territoires
- Article 29 - Offre de soins : une « approche territoriale » nécessaire, selon les petites villes
- Article 30 - De nouvelles mesures pour inciter les médecins à s’installer en zones rurales ou urbaines sensibles
- Article 31 - Mettre en place un conseil local de santé mentale
- Article 32 - Laurent EL Ghozi : contre les déserts médicaux, « la seule solution, c’est le contrat local de santé »
- Article 33 - Aider les personnes en souffrance psychique à se loger
- Article 34 - Hôpital : un « pacte de confiance » sous l’angle des territoires
- Article 35 - Mettre en place un contrat local de santé
- Article 36 - L’échelon médical intercommunal pour croiser les compétences et changer d’échelle
- Article 37 - Les maisons de santé restent en observation
- Article 38 - Adoption définitive de la loi de modernisation du système de santé : décryptage d’un texte fleuve
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