Face aux risques technologiques et naturels, inventer des solutions nouvelles
Il s’agit d’abandonner les schémas classiques, notamment en termes urbanistiques, consistant à fermer les yeux ou à geler les projets. Ainsi, pour le risque inondation, d’autres modes de construction "résilients" sont envisageables, avec des bâtiments et infrastructures capables de flotter en cas de montée des eaux. Pour le risque technologique, des modifications de procédures pourraient réduire le risque à la source.
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Comment prévenir les risques naturels et technologiques
voir le sommaire «L’Etat sera ferme dans l’application de l’interdiction des constructions dans les zones inondables», affirmait le 21 juin 2010, à Draguignan, le président de la République suite aux inondations du Var.
Dans les zones à risques, n’existe-t-il pas d’autre solution que le gel de l’urbanisme et l’expulsion des habitants menacés ?
Il est pourtant possible de mettre en œuvre des solutions nouvelles pour réduire le risque technologique à la source, comme à Jarrie, ou pour promouvoir un urbanisme résilient aux inondations, ou à Rennes. Nicolas Sarkozy lui-même envisageait cette possibilité le 29 avril 2009, lorsque, dans son discours sur le Grand Paris, il se prononçait en faveur de la possibilité de construire en zones inondables.
C’est suivant cette stratégie de résilience* à l’inondation que sont conçus les quartiers ou futurs quartiers de Hambourg, Francfort et Mayence en Allemagne et que se profile la reconstruction de La Nouvelle-Orléans, où plus de 200.000 maisons ont été détruites par l’ouragan Katrina.
En France, face à la frilosité des collectivités sur ces questions d’urbanisme, trop souvent laissées aux mains de l’Etat via les PPRI, la démarche est peu avancée.
Ainsi, dans la «cuvette» de La Faute-sur-Mer, à quelques mètres d’une dune faisant office de digue, ont été construites des maisons en rez-de-chaussée, sans refuge en cas d’inondation. Sur le secteur touché par Xynthia, seul le PLU de Châtelaillon-Plage (17) exige sur certaines zones que les planchers d’habitation soient surélevés pour limiter l’impact matériel d’une inondation. Cependant la réflexion progresse.
Gestion des eaux
C’est notamment le cas à Strasbourg. «Sur les 50 hectares du futur écoquartier des rives du Bohrie, en zone inondable, seule la moitié sera urbanisée, le solde étant réservé à des espaces naturels dédiés à la gestion des eaux. Ensuite, les rez-de-chaussée des 1 000 futurs logements seront calés pour être hors d’eau», détaille Stéphanie Strasser, chef du service projets urbains de Strasbourg. Une limite à ces types de projet : ils sont inenvisageables en cas de risque de courant fort. En outre, ils traitent mal la question des réseaux.
Pourquoi ne pas imaginer des bâtiments et des infrastructures solidement amarrés et flottants ? Utopie ? C’est pourtant ce que réalise la société Batiflo qui construit un bâtiment témoin de 300 m2 à Pau, sur une zone d’aléa inondation élevé. «Le parking et la route sont également flottants et les réseaux sont conçus pour résister à l’inondation. Le tout est amarré à des colonnes en béton armé», explique Frédéric de Chérancé, PDG de Batiflo. Ces solutions flottantes permettraient aussi de réduire le risque inondation pour les autres habitations. En effet, il est possible d’imaginer la création de bassins de rétention «habités». L’installation de futurs bâtiments sur ces «ports à sec» financerait création et entretien des bassins.
(*) Résilience : savoir accueillir une situation traumatique pour mieux y résister et la surmonter
JARRIE (38)
Le risque réduit à la source
«En l’état, le PPRT est inacceptable et inapplicable, avec des conséquences énormes pour les communes incluses dans la zone d’aléa de 1,3 km2, et leurs 16 000 habitants», explique Bernard Le Risbé, maire adjoint de Jarrie (4.000 hab.) commune qui jouxte l’usine d’Arkema et ses 150.000 tonnes de chlore produites annuellement.
Pourtant, l’élu se démène pour que ce PPRT soit approuvé avant la fin de l’année. «Nous pourrons alors bénéficier d’une aide de l’Etat pour financer la transformation du process. Cela permettrait de diviser par quatre la zone d’aléa et d’embrayer sur un PPRT2. Les mesures de réduction du risque à la source sont estimées à 100 millions d’euros. Il est prévu que l’Etat en finance 40%, Arkema 40% et les communes riveraines 20%, un montant considérable pour nos finances. Cependant, ce coût est environ trois fois inférieur à celui des mesures foncières (expulsions et délaissement) à prendre avec le premier PPRT.
De plus, cette solution offre une réduction du risque beaucoup plus significative», détaille Bernard Le Risbé qui souligne que ce changement de process va imposer à l’industriel une réduction par deux de sa capacité nominale de production durant au moins un an.
Après un parcours semé d’embûches, et une situation bloquée depuis 2003, l’élu est impatient de passer au PPRT2: «Nous n’avons même pas pu transformer notre POS en PLU !»
La commune, soumise également à un faible risque inondation, travaille par ailleurs à la mise en place de réservoirs de stockage.
RENNES (35)
Un cahier des charges « musclé »
En 1999, la fermeture des Papeteries de Bretagne libère un «emplacement de rêve». Face à la Vilaine, orienté plein sud, il permet une opération d’urbanisme d’envergure sur un des derniers grands terrains proches du centre-ville. Une aubaine pour Rennes et sa politique de ville dense.
Seul bémol : la partie ouest du site est classée en zone inondable à risque fort.
Plutôt que de geler le projet, la ville impose aux promoteurs des 30.000 m2 de la ZAC privée (270 logements et 5 000 m2 de bureaux) un cahier des charges musclé. La cote de l’entrée des parkings est fixée 20 cm au-dessus du niveau maximum de la crue de 1974, les rez-de-chaussée et la voirie sont eux près de trois mètres au-dessus du sol naturel. Les bâtiments sont posés sur les socles formés par les parkings, réalisés en surface, tandis que la paroi étanche des parkings (en profondeur) établit un endiguement protégeant le site.
«Les voiries et réseaux n’ont pas été oubliés ! Pour rester hors d’eau, les voiries sont situées à presque 27 m et les réseaux qui y passent sont ainsi protégés», souligne Jean-Yves Barrier, l’architecte urbaniste du projet.
Par ailleurs, pour conserver au site ses 3.100 m3 de volume d’expansion des crues, plus de 3.270 m³ de stockage ont été aménagés sous forme de différents bassins. L’opération comporte 43% d’espaces verts, de jardins et de bassins. Livraison des premiers logements au printemps.
«Les contraintes ayant été intégrées dès l’origine, on ne peut pas dire qu’il y ait eu un surcoût au projet», se félicite l’architecte.
Un article d’Emmanuelle Lesquel, publié dans « le Courrier des maires et des élus locaux » du 9 décembre 2010
Sommaire du dossier
16 articles Lire le 1er article- Article 01 - L’érosion du littoral doit-elle donner accès au indemnités du fonds « Barnier» ?
- Article 02 - Zones Seveso : les entreprises riveraines victimes collatérales
- Article 03 - Une circulaire organise la prévention du risque inondation
- Article 04 - Communes Seveso : la fin de la double peine pour les riverains d’installations classées
- Article 05 - La (trop) lente émergence d’une culture du risque
- Article 06 - Yves Blein, président d’Amaris, pour « une refonte du droit du risque industriel »
- Article 07 - Le coût du risque technologique pour les communes et les habitants mieux pris en charge
- Article 08 - Comprendre le risque sismique, connaître la réglementation
- Article 09 - Comment prévenir les incendies
- Article 10 - Risques naturels et technologiques – Références juridiques
- Article 11 - Face aux risques technologiques et naturels, inventer des solutions nouvelles
- Article 12 - Risques naturels et technologiques – Pour en savoir plus
- Article 13 - Risque nucléaire : les communes sont-elles bien préparées ?
- Article 14 - Risques naturels et technologiques : élus et riverains en quête de procédure
- Article 15 - Sites sensibles : les outils du maire
- Article 16 - Inondations, un guide du Cepri sur l’évacuation massive des populations
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