Vers le contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts des responsables des grands exécutifs locaux
Le gouvernement présentera le 24 avril 2013, en conseil des ministres, deux projets de loi instaurant notamment une « Haute autorité » chargée de contrôler les déclarations des « principaux responsables politiques et administratifs », dont ceux des grands exécutifs locaux.
Lors d’une communication en conseil des ministres, le 10 avril, Jean-Marc Ayrault a confirmé que deux projets de loi, l’un organique et l’autre ordinaire, seraient présentés lors du Conseil des ministres du 24 avril. Et le chef du gouvernement d’en expliquer les deux objectifs : d’une part, « instaurer davantage d’obligations de transparence pour les responsables politiques et les plus hauts responsables administratifs » et, d’autre part, « renforcer l’efficacité de la lutte contre la grande délinquance économique et financière ».
Le champ des contrôles s’élargit
Principale nouveauté en matière de transparence de la vie politique : la création d’une nouvelle autorité administrative indépendante, une « Haute autorité », à qui « les principaux responsables politiques et administratifs » devront transmettre une déclaration de patrimoine et une déclaration d’intérêts. A savoir les membres du gouvernement, parlementaires nationaux et européens, membres du Conseil constitutionnel et des autorités administratives indépendantes, collaborateurs des cabinets ministériels et du président de la République, titulaires d’emplois à la décision du gouvernement nommés en Conseil des ministres, responsables des principales entreprises publiques… mais aussi « principaux responsables exécutifs locaux ».
Le texte de la communication ne précise toutefois pas de seuils d’application, qu’il s’agisse de la taille de la collectivité ou des statuts (maire, maires adjoints ? présidents, vice-présidents des conseils régionaux et départementaux ? « patrons » des grandes agglomérations ou de l’ensemble des communautés de communes ?) qui seraient concernés par cette nouvelle obligation.
A l’heure actuelle, la loi du 11 mars 1988 prévoit, concernant les élus locaux, que seuls les présidents de conseils régionaux, de conseils généraux, de l’assemblée de Corse ou d’une assemblée territoriale d’outre-mer et enfin les maires des communes de plus de 30 000 habitants sont soumis à une déclaration de patrimoine. Ensuite, la loi du 8 février 1995 a ajouté les présidents des EPCI à fiscalité propre dont la population excède 30 000 habitants, ainsi que les conseillers régionaux, généraux et les adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, lorsque ces trois types d’élus sont titulaires d’une délégation de signature du président de l’exécutif.
Une Haute autorité et des sanctions renforcées
La Haute autorité doit être composée de six membres issus du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, et présidée par une personnalité nommée en Conseil des ministres, après avis du Parlement. Pour contrôler le respect de ces nouvelles obligations, cette autorité administrative indépendante disposera « des services fiscaux, et se verra attribuer un pouvoir d’injonction » et pourra « s’autosaisir et être saisie par le Premier ministre, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, et les associations agréées de lutte contre la corruption ».
L’exécutif a par ailleurs confirmé le renforcement des sanctions pénales en cas de non-transmission ou d’insincérité des différentes déclarations et la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts des membres du gouvernement et des parlementaires nationaux.
Haro sur le cumul de fonctions
Une semaine après la présentation des deux projets de lois interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec tout mandat de parlementaire (sénateur, député ou eurodéputé), le gouvernement choisit de s’attaquer également au cumul… de fonctions, dans un objectif « de prévention des conflits d’intérêts, et pour tenir compte de la nécessité pour les parlementaires de se consacrer à temps plein à leur mandat ». Le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice de toute activité professionnelle serait interdit, « sauf exceptions mentionnées dans la loi ». Et, « dans un souci d’équité », les fonctionnaires élus au Parlement seraient désormais placés en position de disponibilité, et non plus de détachement, pendant la durée de leur mandat.
Par ailleurs le gouvernement, veut interdire le cumul des fonctions de collaborateur parlementaire avec toute activité professionnelle rémunérée de lobbying, ou de conseil, et proposera aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat de publier la liste des collaborateurs parlementaires. Plus largement, dans l’objectif « d’encadrer l’activité des groupes d’intérêt », le gouvernement pourrait s’appuyer sur le récent rapport du député Christophe Sirugue, réalisé au nom du groupe de travail sur les lobbies à l’Assemblée nationale.
Inéligibilité de dix ans… ou à vie
Enfin, pour lutter contre « la grande délinquance économique et financière », le gouvernement souhaite renforcer les sanctions pénales en matière de fraude fiscale « pour les infractions les plus lourdes ». Et l’exécutif de se prononcer pour « une inéligibilité de dix ans, ou définitive avec possibilité de relèvement, [qui] pourra être prononcée pour les élus condamnés pour fraude fiscale ou corruption ».
Le gouvernement ouvre donc la possibilité d’inéligibilité à titre temporaire, dix ans contre cinq ans aujourd’hui pour les délits de fraude fiscale, une peine d’inéligibilité à vie risquant d’être déclarée inconstitutionnelle. Matignon indique par ailleurs qu’il souhaite modifier les règles de prescription en matière pénale pour les infractions les plus graves.
Sommaire du dossier
40 articles Lire le 1er article- Article 01 - L’Observatoire de l’éthique publique à l’assaut des indemnités et avantages des élus locaux
- Article 02 - Charte de l’élu local : un guide pour que les élus apprennent à « gérer le risque du conflit d’intérêt »
- Article 03 - Les plans de Didier Migaud, nouveau président de la HATVP, pour la transparence des élus locaux
- Article 04 - Municipales : « s’appuyer sur des collectivités leaders pour générer plus de transparence »
- Article 05 - René Dosière : « Le contrôle exhaustif n’existe pas pour les élus locaux »
- Article 06 - Prévention de la corruption : la difficile appropriation au sein des collectivités
- Article 07 - Le Conseil constitutionnel ouvre aux regards ses « portes étroites »
- Article 08 - Le casier judiciaire vierge pour être élu, une moralisation nécessaire ?
- Article 09 - La suppression de la réserve parlementaire, pomme de discorde entre députés et sénateurs
- Article 10 - Ethique publique : « pas de chasse aux sorcières » mais la quête de « flous juridiques »
- Article 11 - L’exécutif veut limiter le cumul dans le temps à trois mandats identiques successifs
- Article 12 - La suppression de la réserve parlementaire phagocyte l’audition de la Garde des Sceaux
- Article 13 - « Il n’y a jamais eu autant d’élus, et autant de gens qui se sentent mal représentés »
- Article 14 - « Il n’y a pas davantage d’élus malhonnêtes aujourd’hui qu’hier »
- Article 15 - Elections : « Il faut jouer le jeu de la transparence avec les électeurs »
- Article 16 - Réserve parlementaire : le détail des subventions sénatoriales en 2015
- Article 17 - L’Agence nationale de prévention de la corruption se penchera aussi sur les collectivités
- Article 18 - Transparence de la vie publique : le premier rapport de la Haute autorité clarifie le risque de conflit d’intérêts
- Article 19 - Transparency International ne veut pas de remise en cause du non-cumul des mandats
- Article 20 - Moralisation de la vie politique : les nouvelles obligations des conseillers régionaux
- Article 21 - « Il serait extravagant de revenir sur le non-cumul des mandats »
- Article 22 - « Parmi les élus, le réflexe “déontologue” reste à acquérir »
- Article 23 - La transparence de la vie politique ne fait pas beaucoup d’adeptes
- Article 24 - Des propositions pour « renouer la confiance publique »
- Article 25 - Lobbying : les mauvaises notes de la France
- Article 26 - Un député UMP favorable à la transmission de la réserve parlementaire au préfet
- Article 27 - Elus locaux et conflits d’intérêts : parution du décret d’application
- Article 28 - La transparence de la vie politique, « urgence » démocratique – Introduction
- Article 29 - Les élus locaux ont jusqu’au 1er juin 2014 pour transmettre leurs déclarations d’intérêt et de patrimoine
- Article 30 - Transparency International demande l’exemplarité aux candidats aux municipales
- Article 31 - Conflits d’intérêts et transparence : de nouvelles obligations pour plusieurs milliers d’élus locaux
- Article 32 - Le Conseil constitutionnel valide pour l’essentiel les lois sur la transparence
- Article 33 - La transparence sera aussi locale
- Article 34 - Indemnités des élus : quelles sont les pratiques ?
- Article 35 - Vers le contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts des responsables des grands exécutifs locaux
- Article 36 - Responsabilité pénale des élus locaux : trente ans d’évolution
- Article 37 - Avantages en nature des élus locaux : les règles du jeu
- Article 38 - Daniel Lebègue, président de Transparency International France : « Il faut restaurer la confiance entre élus et citoyens »
- Article 39 - Conflits d’intérêts : élus locaux, la prudence est de mise
- Article 40 - Les élus locaux sont-ils à l’abri des groupes d’intérêt ?
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bonjour
je ne pense pas que créer une nouvelle instance règle le problème. Vous devriez revoir l’excellent film avec Jean Gabin « le Président »: la politique a cessé d’être propre le jour où elle est devenue un métier ! Aussi, pour ne plus connaître ce type d’affaire, limitons la possibilité d’être élus pour tous les mandats, mêmes locaux, à deux mandats comme le font déjà d’autres pays (même le Medef, c’est vous dire ! ). Et que ce soit le peuple par référendum qui prenne cette décision et pas les concernés eux mêmes… en espérant être entendu compris et écouté…